Le salaire du sniper, adapté de Didier Daeninckx

Réécriture en français simplifié

Partie 2

Delorce rejoignit (verbe : rejoindre) son cameraman dans les vestigesdébris, décombres, restes, ruines des cuisines du Holiday Innhôtel, et ils allèrent à l'entrée du parking souterrain. Le taxi les attendait. C'était une vieille Lada Nivamarque de voiture russe inconfortable. La voiture traversa le quartier résidentielrelisez votre cours de géographie ou demandez à Mme Brana désertévide, sans habitant et s'arrêta dans le sous-sol d'un supermarché calcinébrûlé, incendié qui servait de studios à la chaîne nationale. Ils interrogèrent un représentant russe et mirent en boîte quelques imagesfilmèrent, enregistrèrent de la conférence de presse hebdomadairede chaque semaine des généraux internationaux chargés de surveiller une frontière dont on avait fait semblant d'oublier l'existence pendant cinq siècles. Delorce enregistra un commentaire sur les images, puis une monteuse appareilla les fragmentsfit le montage des extraits de film et les envoya par satellite à la régie parisienne.

Ils en avaient assez de la mauvaise cuisine du chef cuisinier pakistanais du Holiday Inn qui préparait les repas en mélangeant les produits frais achetés au marché noirmarché non officiel, clandestin avec les rations allemandes fournies par le commandement onusiende l'ONU. Ils allèrent dans un restaurant haut de gamme aux portes blindées où les diplomatespersonne qui représente son pays à l'étranger (ex: ambassadeur, consul) en poste à Kotorosk se mêlaient à tous les profiteurs de guerre. Ils commandèrent des truites de la Milva qu'on leur servit accompagnées des derniers champignons de l'automne, et Jean-Yves Delorce attendit que le garçonserveur se soit éloigné pour résumer à Philippe les critiques de Polex sur leur travail.
— On n'est pas plus cons que les autres..., dit le caméraman. C'est toujours possible de bricoler un truc...
— Tu penses à quelque chose de précis ?
— Pas encore, c'est trop frais... Il suffit de penser à un scénario et de trouver des personnes qui veuillent bien interpréterjouer les rôles.
Delorce fit la grimace.
— Qu'est-ce que tu as, c'est pas bon ? demanda Philippe.
Il posa ses couverts et haussa les épaules.
— Si, c'est parfait... Je vais te raconter une histoire... Il y a une dizaine d'années, alors que je débutais dans le métier, j'ai rencontré un photographe vedettetrès important de Paris-Matchmagazine de reportages, sur un reportage.
Attentat en 1982 dans le train Toulouse-Paris
Les Iraniens venaient de faire sauter une bombe dans un T.G.V. Ce photographe était allé partout dans le monde et avait rapporté de très nombreux scoopsinformations exclusives découvertes par un journaliste avant tout le monde. Une véritable légende vivanteune référence, une célébrité. Il y avait de la viande des cadavres, des morceaux humains partout... Les flicspoliciers l'ont laissé passer dès qu'ils l'ont reconnu et il est monté dans le wagon... Je ne sais pas pourquoi, je l'ai suivi sans qu'il s'en aperçoive... Il y avait une petite fille dans un coin... Il a réglé son appareil, prit quelques clichésphotos, puis il a sorti un objet de son sac... Je n'ai pas réussi à savoir quoi, sur le moment... Il l'a posé près du corps de la fillette avant de finir sa pelliculeprendre d'autres photos...
— C'était quoi ?
— Attends... Il est sorti par l'autre porte. J'ai regardé en passant... Il n'y avait rien... J'ai acheté l'édition spéciale de Match... La photo figurait en Uneétait en première page. Je la revois comme si je l'avais devant les yeux ! La moitié du visage de la gamine, ses cheveux répandus sur son épaule, sur son bras, et juste à côté de la main ouverte, une petite poupée au regard bleu... C'était à chialerpleurer ! Tu comprends, c'est ça qui en faisait toute la force : la poupée qu'il avait posée...
Philippe remplit les verres.
— Le pire, c'est qu'il avait pensé à l'apporter...
— Je ne veux pas que l'on fasse ça, c'est tout.
— Ne t'en fais pas, Jean-Yves, on va s'arranger pour n'avoir rien à rajouter... Tu peux compter sur moi.

Plusieurs snipers
tireurs embusqués, cachés
avaient recommencé à tirer le long de la ligne de frontligne qui sépare les deux groupes de combattants et ils durent attendre la tombée de la nuit pour que le taxi accepte de risquer sa vieille Lada Niva sur l'avenue de la Fraternité. Une équipe de démineurs s'occupait d'un obus incendiaire qui s'était planté sans exploser dans les pelouses du Holiday Inn, un peu plus tôt. La nuit fut calme : seules quelques balles traçantes et une fusée-parachute brillèrent dans la nuit.

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