Tristan et Iseut d'après Joseph Bédier

La fleur de farine

Le roi Marc a fait sa paix avec Tristan. Il l'a autorisé à revenir au château, et, comme naguère, autrefois, avant Tristan couche dans la chambre du roi, parmi les privés les intimes, les personnes proches et les fidèles. Librement, il peut entrer et sortir : le roi n'en a plus souci ne s'inquiète pas . Mais qui peut tenir longtemps ses amours secrètes ? Hélas ! l'amour ne peut pas se cacher !

Marc avait pardonné aux félons, aux nobles qui haïssent Tristan et comme le sénéchal officier de justice du roi Dinas de Lidan avait un jour trouvé le nain bossu le nain Frocin (qui avait eu l'idée de placer le roi Marc dans un arbre pour piéger Tristan et Iseut) errant et misérable dans une forêt lointaine , il le ramena au roi. Le roi Marc eut pitié et lui pardonna son méfait. sa traîtrise, son accusation mensongère (= accuser Tristan et Iseut pour rien)

Mais cela ne fit qu'exciter augmenter la haine des barons ; comme ils avaient de nouveau surpris encore vu Tristan et la reine, ils se lièrent par ce serment ils s'unirent, se regroupèrent par cette promesse : si le roi ne chassait pas son neveu hors du pays, ils partiraient dans leurs châteaux forts pour le guerroyer faire la guerre .

Ils appelèrent le roi:
«Seigneur, aime-nous, hais nous, déteste-nous à ton choix : mais nous voulons que tu chasses Tristan. Il aime la reine et tu ne veux pas le savoir ; mais nous, nous ne pouvons plus supporter cette situation. »

tableau de Leighton
Tristan et Iseult, d'après Edmund Blair Leighton, 1902

Le roi les entend, soupire, baisse le front vers la terre, se tait.
« Non, roi, nous ne l'accepterons plus, car nous savons maintenant que cette nouvelle ne te surprend pas et que tu acceptes leur amour. Que feras-tu ? Réfléchis et prends conseil. Pour nous, si tu ne chasses pas ton neveu, nous nous retirerons nous partirons sur nos baronnies nos fiefs, nos terres. Tel est le choix que nous t'offrons ; choisis donc !
– Seigneurs, dit le roi Marc. Une fois, j'ai cru aux accusations mensongères que vous disiez contre Tristan, et je l'ai regretté. Mais vous êtes mes vassaux, et je ne veux pas perdre vos conseils. Conseillez-moi donc.
– Donc, seigneur, appelez ici le nain Frocin. Vous vous défiez vous vous méfiez (vous ne faites pas confiance) de lui à cause de l'aventure du verger. Pourtant, il avait bien deviné que la reine viendrait rencontrer Tristan ce soir-là sous le pin. Il sait beaucoup de choses ; prenez son conseil. »

Arrivé au château, le nain Frocin dit au roi :
«Sire, Tristan couche près de ton lit. Commande à ton neveu que demain, dès l'aube, il parte au galop à Carduel pour porter un message au roi Artur. Ce soir, quand tout le monde commence à s'endormir, sors de ta chambre, et, je te le jure par Dieu, s'il aime Iseut de fol amour, d'amour fou, de passion il voudra venir lui parler avant son départ. Si Tristan arrive à parler à la reine sans que je le sache et sans que tu le voies, alors tue-moi !»
Le roi Marc accepta.

Alors le nain fit une laide félonie une idée lâche, une idée de traître . Il entra chez un boulanger et lui acheta de la farine qu'il cacha sous ses vêtements.

Ah ! quelle traîtrise ! La nuit venue, quand le roi eut pris son repas et que ses hommes furent endormis, Tristan vint, comme d'habitude, au coucher du roi Marc.

« Beau neveu, demain dès l'aube vous chevaucherez vers le roi Artur jusqu'à Carduel, et vous lui donnerez ce message. Saluez-le de ma part et ne séjournez restez qu'un jour près de lui.
– Roi, je le porterai demain.
– Oui, demain, avant que le jour se lève.»

Voilà Tristan en grand émoi! affolement, angoisse, inquiétude, agitation Entre son lit et le lit de Marc il y avait bien la longueur d'une lance. Un désir furieux le prit de parler à la reine. Tristan se promit que, vers l'aube, si Marc dormait, il se rapprocherait d'elle. Ah ! Dieu ! la folle pensée! Le nain couchait, comme il en avait coutume, comme d'habitude dans la chambre du roi. Quand il crut que tous dormaient, Frocin se leva et répandit étala, mit (verbe: mettre) la farine entre le lit de Tristan et celui de la reine.
Ainsi, si l'un des deux amants allait rejoindre l'autre, la farine garderait la trace de ses pas. Mais, comme il l'éparpillait, il l'étalait Tristan, qui restait éveillé, le vit et se dit:
« Que fait-il ? Ce nain n'a pas l'habitude de faire des choses bien pour moi! Il sera déçu: je serais fou de me faire piéger et de marcher dans sa farine! »

Au milieu de la nuit, le roi se leva et sortit, suivi du nain bossu. Il faisait noir dans la chambre : ni cierge bougie allumé, ni lampe. Tristan se dressa debout sur son lit. Il estime évalue, calcule, observe la distance, bondit et retombe sur le lit du roi.
Hélas ! la veille, le jour d'avant dans la forêt,un grand sanglier l'avait blessé à la jambe, et, pour son malheur, par malchance / il n'avait pas de chance la blessure n'était pas bandée. sans pansement / pas soignée. Dans l'effort de ce bond, la blessure s'ouvre et saigne ; mais Tristan ne voit pas le sang qui fuit et rougit les draps. Et dehors, grâce à sa magie, le nain sut que les amants étaient réunis. Il en trembla de joie et dit au roi :
« Va, et maintenant, si tu ne les surprends pas ensemble, fais-moi pendre ! » je suis certain que tu vas surprendre (= trouver) Tristan et Iseut ensemble. Si je me trompe, tu peux me pendre.

Le roi, le nain et les quatre félons traîtres viennent donc vers la chambre. Mais Tristan les a entendus : il se relève, s'élance, atteint son lit… Hélas ! par malchance, quand il a sauté, le sang de la blessure a coulé sur la farine.
Voici le roi, les barons, et le nain qui porte une lumière. Tristan et Iseut feignaient de dormir font semblant de dormir / dorment pour de faux ; ils étaient restés seuls dans la chambre avec le chien, qui couchait aux pieds de Tristan et ne bougeait pas. Mais le roi voit sur le lit les draps tout rougis et, sur le sol, la farine trempée de sang frais.

Alors les quatre barons, qui haïssaient Tristan, le maintiennent ils le tiennent de force sur son lit, et menacent la reine et la raillent, ils se moquent d'elle la narguent ils la provoquent, se moquent d'elle et lui promettent bonne justice. une bonne punition Ils découvrent la blessure qui saigne :
« Tristan, dit le roi, inutile de nier # avouer maintenant ; vous mourrez demain. »
Tristan lui crie :
«Accordez-moi merci, ne me tuez pas seigneur ! Au nom du Dieu, seigneur, pitié pour nous !
– Seigneur, venge-toi ! ordonnent les félons. les traîtres
– Bel oncle, dit Tristan, ce n'est pas pour moi que je vous implore je vous supplie ; que m'importe de mourir ? Faites de moi ce que vous voulez. Me voici, seigneur, mais pitié pour la reine ! »
Et Tristan s'incline et s'humilie à ses pieds.
«Pitié pour la reine, car s'il y a un homme assez fou pour soutenir affirmer, dire ce mensonge que je l'ai aimée d'amour coupable, (Tristan ne se sent pas coupable car il sait que sa passion pour Iseut est causée par le philtre (=la boisson) magique qu'il a bu) je me battrai contre lui pour prouver qu'il ment. Sire, grâce pour elle, pitié pour Iseut, pardonnez-lui au nom du Seigneur Dieu ! »
Mais les trois barons l'ont lié de cordes, ont attaché Tristan lui et la reine. Ah ! s'il avait su qu'il ne pourrait pas prouver son innocence en combat singulier, en duel, en combat un contre un il ne se serait pas laissé attacher sans se débattre!

Mais il avait confiance en Dieu pour lui donner la victoire Le duel judiciaire:
Au Moyen-Age, on pouvait rendre la justice par un "duel judiciaire": les deux chevaliers se battaient en duel; le vainqueur était déclaré innocent et le perdant était coupable. On pensait que Dieu avait aidé l'innocent à gagner.
et il savait que personne n'oserait se battre contre lui. Quand Tristan jurait qu'il n'avait jamais aimé la reine d'amour coupable, les félons les traîtres, les ennemis de Tristan riaient et le traitaient de menteur.

Mais, seigneurs, Le narrateur parle aux lecteurs: je vous rappelle que, à l'origine, ces récits étaient racontés oralement vous qui savez la vérité du philtre bu sur la mer et qui comprenez, disait-il un mensonge ? Dieu voit les coeurs et lui seul est le vrai juge. Dieu a décidé que tout homme accusé pourrait défendre son droit en se battant , Il s'agit du duel judiciaire et Dieu lui-même combat en aidant l'innocent. C'est pourquoi Tristan réclamait justice et bataille. Mais, s'il avait su ce qui allait arriver, il aurait tué les félons. Ah ! Dieu ! Pourquoi ne les tua-t-il pas ?

Marc décide de brûler Tristan et Iseut sans jugement. Tristan réussit à s'enfuir. Iseut est donc seule devant le bûcher. Un grand feu qui brûle


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