Antigone de Sophocle (dramaturge grec, -495 -406)

traduit par Leconte de Lisle, 1877


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Etéocle et Polynice, tableau de Silvagni Giovanni (1790-1853), 1820-1822 (cliquez pour agrandir)

CRÉON
[...] Je n’estime en aucune façonn'apprécie pas, n'aime pas, ne respecte pas celui qui préfère un ami à sa patrie. J’en atteste ZeusZeus est témoin qui voit toutes choses ! Je ne me tais pointpas quand je vois qu’une calamitéun malheur menace le salutla vie, le bonheur des citoyens, et jamais je n’ai en amitié un ennemi de la patrie ; car je sais que c’est le salutla sauvegarde, la protection, la sécurité de la patrie qui sauve les citoyens, et que nous ne manquons point d’amis tant qu'avons beaucoup d'amis quandelle est en sûretésécurité. C’est par de telles pensées que j’accroîtraije développerai, je ferai prospérer, j'enrichirai cette ville. Et j’ai ordonné par un éditune loi qu’on enfermât dans un tombeau Étéocle qui, en combattant pour cette ville, est mort bravementen héros, courageusement, et qu’on lui rendît les honneurs funèbres dus aux ombresaux morts, à l'âme des morts des vaillantscourageux hommes. Mais, pour son frère Polynice qui, revenu de l’exil, a voulu détruire par la flamme sa patrie et les Dieux de sa patrie, qui a voulu boire le sang de ses proches et réduire les citoyens en servitudeesclavage, je veux que nulpersonne ne lui donne un tombeau, ni ne le pleure, mais qu’on le laisse non ensevelisans enterrement, et qu’il soit honteusement déchiré par les oiseaux carnassiers et par les chiens. Telle est ma volonté. Les impiesincroyants, infidèles, traitres ne recevront jamais de moi les honneurs dus aux justes ; mais quiconquechaque personne sera l’ami de cette ville, vivant, ou mort, sera également honoré par moi.

LE CHŒUR :
Il te plaît d’agir ainsi, Créon, fils de Ménécée, envers l’ennemi de cette ville et envers son ami. Tous, tant que nous sommes, vivants ou morts, nous sommes soumis à ta loi, quelle qu’elle soit.

CRÉON :
VeillezFaites attention à, surveillez que donc à ce que l’éditla loi soit respecté.

LE CHŒUR :
Confie ce soinDonne cette mission à de plus jeunes.

CRÉON :
Il y a déjà des gardiens du cadavre.

LE CHŒUR :
Que nous ordonnes-tu donc de plus ?

CRÉON :
De ne point permettreaccepter qu’on désobéisse.

LE CHŒUR :
NulPersonne n’est assez insenséfou, imprudent pour désirer mourir.

CRÉON :
CertesBien sûr, telle est la récompense promise ; mais l’espoir d’un gainde gagner de l'argent a souvent perdu les hommes.



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