La vie reprit son cours tant bien que mal. Robinson faisait toujours semblant d’être le gouverneur et le général de l’île. Vendredi faisait semblant de travailler durement pour entretenir la civilisation dans l’île. Il n’y avait que Tenn qui ne faisait pas semblant de faire la sieste toute la journée. En vieillissant, il devenait de plus en plus gros et lent.
Vendredi, lui, avait trouvé un nouveau passe-tempsnouvelle occupation. Il
avait découvert la cachette où Robinson dissimulaitcachait le
barillet à tabac et la longue pipe en porcelaine du capitaine
van Deyssel. Chaque fois qu’il en avait l’occasion, il allait
fumer une pipe dans la grotte.
Si Robinson le découvrait, il
le punirait sans doute lourdement, parce qu’il n’y avait
presque plus de tabac. Fumer était un plaisir que
Robinson ne s’accordaits'autorisait plus que très rarement, dans les
grandes occasions.
Ce jour-là Robinson était descendu sur le rivage
inspecter des lignes de fondfil posé en fond de la mer pour attraper du poisson que la marée descendante
venait de découvrir.
Vendredi mit le barillet sous son
bras, et il alla s’installer au fond de la grotte. Là, il s’était
construit une sorte de chaise longue avec des tonneaux
couverts de sacs. À demi renversé en arrière, il tire de
longues bouffées de la pipe. Puis il chasse de ses poumons
un nuage bleu qui s’épanouit dans la faible lumière
provenant de l’entrée de la grotte. Il s’apprête àva tirer une
nouvelle bouffée de la pipe, quand des cris et des
aboiements lointains lui parviennent. Robinson est revenu
plus tôt que prévu, et il l’appelle d’une voix menaçante.
Tenn jappeaboie. Un claquement retentit. Robinson a donc
sorti son fouet. Sans doute s’est-il enfin aperçu de la
disparition du barillet de tabac ? Vendredi se lève et
marche vers le châtiment la punition qui l’attend. Soudain il s’arrête :
que faire de la pipe qu’il tient toujours dans sa main ? Il la
jette de toutes ses forces dans le fond de la grotte, là où
sont rangés les tonneaux de poudre
. Puis, bravementcourageusement, il
va rejoindre Robinson. Robinson est furieux. Quand il voit
Vendredi, il lève son fouet. C’est alors que les quarante
tonneaux de poudre font explosion. Un torrent de
flammes rouges jaillitsort, surgit de la grotte. Robinson se sent
soulevé, emporté, tandis qu’il voit avant de s’évanouir les
gros rochers qui surmontent la grotte rouler les uns sur
les autres comme les pièces d’un jeu de construction.