Vendredi ou la vie sauvage de M.Tournier




Chapitre 11: Une journée type sur l'île

Robinson ne cessait d’organiser et de civiliser son île, et de jour en jour il avait davantageplus de travail et des obligations plus nombreuses.
Le matin par exemple, il commençait par faire sa toilette, puis il lisait quelques pages de la Bible, ensuite il se mettait au garde-à-vous devant le mât où il faisait ensuite monter le drapeau anglais.
Puis avait lieu l’ouverture de la forteresse. On faisait basculer la passerelle par-dessus le fossé et on dégageait les issues bouchées par les rochers.
La matinée commençait par la traite des chèvres, ensuite il fallait visiter la garenne artificielle prairie pour l'élevage des lièvres que Robinson avait établie dans une clairière sablonneuse.

Là, il cultivait des navets sauvages, de la luzerne et un carré d’avoine pour retenir une famille de lièvres chiliens qui vivaient sans cela dispersés dans l’île. C’était ce qu’on appelle des agoutis, des lièvres hauts sur pattes, très gros et avec des oreilles courtes.
Plus tard, il vérifiait le niveau des viviersbassin pour les poissons d’eau douce où prospéraientvivaient, se reproduisaient des truites et des carpes.
À la fin de la matinée, il mangeait rapidement avec Tenn, faisait une petite sieste et se mettait en grand uniforme de général pour remplir les obligations officielles de l’après-midi.

Il devait faire le recensementle compte des tortues de mer qui avaient chacune leur numéro de matricule, inaugurer un pont de lianes audacieusement jeté par-dessus un ravin de cent pieds de profondeur en pleine forêt tropicale, achever la construction d’une hutte de fougères à la lisière de la forêt bordant le rivage de la baie qui serait un excellent poste d’affût pour surveiller la mer sans être vu, et une retraite d’ombre verte et fraîche pendant les heures les plus chaudes de la journée.

Souvent Robinson en avait assez de tous ces travaux et de toutes ces obligations. Il se demandait à quoi et à qui cela servait, mais aussitôt il se souvenait des dangers de l’oisiveté la paresse, l'inaction, de la souille les bains de boue (voir chapitre 6) des pécaris où il risquait de retomber s’il cédait à la paresse, et il se remettait activement au travail.


Chapitre 12