Le journal de bord de Christophe Colomb

Le premier voyage de Christophe Colomb (journal de bord, 1492)

Le trajet de Colomb


Source: https://www.professeurphifix.net/eveil/histoire_colomb.pdf


Carte de l'époque de C.Colomb: le monde connu


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Carte-portulan de Christophe Colomb (?), atelier de Bartolomeo et Christophe Colomb, vers 1490


Deux documents écrits permettent de suivre les navires de l'explorateur : le Journal, dans la version donnée par Bartolomé de Las Casas, et la lettre à Santangel, écrite le 14 février 1493 sur la route du retour, sorte de bilan de son expédition adressée en Espagne.

De la propre main de Colomb n'ont été identifiés et recensés que peu de documents : des lettres, des quittances, des annotations dans des ouvrages de sa bibliothèque et des signatures. Tous les autres textes, dont le journal du premier voyage, ne sont que des copies dont le texte n'est pas sûr

Du journal de Colomb lui-même, seules ont été gardées les notes relevées par Las Casas pour écrire son Histoire des Indes vingt ou trente ans plus tard.

Ajouter explication sur forme du journal (je / il): Las Casas a repris ou annoté le contenu du journal de CC (dont nous n'avons plus de traces) dans son texte "...".

Extraits tirés de "Relations des quatre voyages entrepris par Christophe Colomb pour la découverte du nouveau monde de 1492 à1504, suivie de diverses lettres et pièces inédites extraites des archives de la monarchie espagnole" – Martin Fernandez de Navarrete

Lundi 17 septembre 1492
Ce lundi, dès le pointl'aube, le lever du soleil du jour, on vit beaucoup plus d'herbes, et elles paraissaient provenirvenir de quelque rivière. On trouva dans ces herbes une écrevisse en vie; l’amiralChristophe Colomb la garda, en disant que c’était un indice certainune preuve , parce qu’il ne s'en trouve jamais à quatre-vingts lieues1 lieue marine = 5,5km de terre. L’eau de la mer était moins salée depuis le départ des Canariesles îles Canaries sont à l'ouest de l'Afrique, et l'air était de plus en plus tempérédoux.

un paille-en-queue

Tout l’équipage était joyeux, et chacun des navires cherchait à gagner les autres de vitesse dépasser les autres, aller plus vite, afin d’apercevoir le premier la terre. On vit beaucoup de tonitaspetits thons , et les gens de la Niña en tuèrent une.
« Ces signes , dit ici l’amiral, venaient du couchantl'ouest, où j’espère que ce Dieu puissant, entre les mains de qui sont toutes les victoires, nous fera bientôt trouver terre. »
Il dit qu'il vit, dans cette matinée, un oiseau blanc qui se nomme paille-en-queue (rabo de junco), et qui n’a pas coutumel'habitude de dormir en mer.

Mardi 18 septembre 1492
Tous ces jours-ci la mer fut aussi tranquille et aussi calme que dans le fleuve de Séville Séville est une ville du sud de l'Espagne, traversée par le fleuve Guadalquivir. Aujourd'hui Martin Alonsocapitaine de la Pinta , avec son , bâtimentnavire, bateau la Pinta, qui était bon voilier, prit les devantsdoubla, passa devant, passa en tête; il dit à l'amiral, de sa caravelle, qu'il allait si vite parce qu’il avait aperçu une grande multitudede nombreux d'oiseaux voler vers le couchantl'ouest, et qu’il espérait voir la terre cette nuit même.
Il parut du côté du nord une grande obscurité, ce qui est le signe d'une grande proximité de la terre= la terre est très près, elle est très proche.

Mercredi 19 Septembre
La flottillele groupe de navires: les 3 caravelles navigua en suivant la même direction, et ne fit guère que vingt-cinq lieues1 lieue marine = 5,5km pendant tout le jour et toute la nuit, parce qu’il y eut du calmedu calme = pas de vent.

un Fou de Bassan
Aujourd'hui , à dix heures , un fou (alcatraz) vint au vaisseau, et dans l'après-midi, on en vit un autre. Ces oiseaux n'ont pas coutume de s’éloigner de la terre de plus de vingt-cinq lieues : il s'éleva des brumes qui n’étaient pas accompagnées de vent, ce qui est un signe certain de la proximité de la terre.
L'amiralChristophe Colomb ne voulut pas s'arrêter à louvoyer pour s'assurer de cette proximité, quoiqu'il eût la conviction que du côté du nord et de celui du sud il y avait quelques îles, comme il y en avait en effet, et il naviguait entre elles, parce qu'il avait la volonté devoulait poursuivrecontinuer sa routeson voyage jusqu'aux IndesC.Colomb croit pouvoir atteindre les Indes en partant vers l'Ouest.. "Le temps est bon, et s’il plait à Dieu tout se verraon verra les îles au retour" : ce sont les propres paroles de l’amiral...

Jeudi 20 septembre
Deux fous (alcatraz), qui furent bientôt suivis d'un troisième, vinrent au navire amiralbateau de C.Colomb : c’était un signe de la proximité de la terreque la terre était proche. On vit beaucoup d'herbe, quoique la veille on n'en eût pas aperçu du toutmême si le jour d'avant on n'avait vu aucune herbe.

une hirondelle de mer
On prit à la main un oiseau qui ressemblait à une hirondelle de mer (garjao) : c'était un oiseau de rivière et non de mer; il avait les pieds comme une mouette (gaviota). Deux ou trois oiseaux de terre vinrent en chantant, dès le point du jour, au bâtimentbateau, et ils disparurent ensuite avant le lever du soleil.
Il parutarrive ensuite un quatrième fou; il venait de l’ouest-nord-ouest et allait au sud-est. C’était un signe qu'il laissait la terre à l'ouest-nord-ouest, parce que ces oiseaux dorment à terre, et le matin vont à la mer chercher leur nourriture. Ils ne s’éloignent pas de vingt lieues.


Colonie de Fous de Bassan

Vendredi 21 Septembre
Le calme régna la plus grande partie de ce jour, le vent souffla ensuite un peu. La flottilleLe groupe de navires suivant toujours sa route fit à peine treize lieues pendant tout le jour et toute la nuit. On trouva tant d'herbe, dès le pointlever, début du jour, que la mer en paraissait prise comme elle l’eût été par la glace : cette herbe venait de l'ouest. On vit un fou (alcatraz), la mer devint unie comme une rivière, et les airs de vent [devinrent] les meilleurs du monde. On aperçut une baleine (ballena) ,ce qui est un signe certain une preuve qu’on n'était pas loin de terre, parce qu'elles en vont toujours près.

Samedi 22 septembre

un damier du Cap
On navigua à l'ouest-nord-ouest, déclinantallant plus ou moins d'un côté ou de l'autre: on fit environ trente lieues; on n’apercevait presque pas d’herbe. On vit quelques damiers ou pétrels tachetés ( pardelas) et autres oiseaux.
L'amiral dit ici : "Ce vent contraire me fut fort nécessaireCe vent allant d'Ouest en Est me fut très utile, parce que les gens de mon équipage étaient en grande fermentationles marins commençaient à s'énerver, à se révolter , pensant que dans ces mers il ne soufflait pas de vents pour retourner en Espagne."
Une partie de ce jour on ne rencontra pas d’herbe; elle fut ensuite très épaisse.


un pétrel

Dimanche 23 septembre
On navigua au nord-ouest, de temps en temps quart au nord, et d’autres fois dans la direction de sa route, qui était l'ouest : on fit jusqu’à vingt-deux lieues. On vit une tourterelle, un fou, un moineau de rivière (pajarito de rio), et d'autres oiseaux blancs.
Les herbes paraissaient en quantité , et on y trouvait des écrevisses; comme la mer était calme et unie, l'équipage murmuraitcomplotait, discutait en cachette de son mécontentement, et disait que puisqu’il n’y avait pas de grosse mer dans ces paragescette région, là, il n’y aurait jamais de vents pour retourner en Espagne; mais bientôt la mer s’élevas'agita sans que le vent soufflât , et devint si grosse que tous en étaient très étonnés.

Mardi 25 septembre
Quand le soleil fut couché , Martin AlonsoMartin Alonso Pinzon était le capitaine de la Pinta monta à la poupe de son navirepartie arrière du bateau , et avec un grand mouvement de joie, il appela l’amiralChristophe Colomb, lui criant bonne nouvelle, et lui disant de partager son allégressesa grande joie parce qu'il voyait la terre. Lorsque l'amiral lui entendit répéter cette nouvelle d'un ton affirmatifsûr, il dit lui-même qu'il se jeta à genoux pour remercier le SeigneurDieu. Martin Alonso chantait le Gloria in excelsis Deo"Gloria in excelsis Deo" = Gloire à Dieu. Chant chrétien de louange à Dieu avec son équipagetous ses marins; celui de l'amiral en fit autantl'équipage de C.Colomb fit pareil, et les gens de la Niña montèrent tous sur le mât de hune et dans les cordagescordes, et tous assurèrent que c'était la terre. L’amiral partagea leur opinionétait d'accord avec eux, et crut qu’on en était à vingt-cinq lieues : toustout le monde jusqu’à la nuit affirmèrent que c'était la terre.
L'amiralChristophe Colomb donna l’ordre de quitter la route suivie, qui était à l’ouest, et de prendre la direction du sud-ouest, direction dans laquelle la terre avait paru.
On fit ce jour-là quatre lieues et demie à l'ouest, et dans la nuit dix-sept au sud-est, ce qui fait vingt et une lieues et demie, dont l’amiral ne déclara à son équipage que treize, parce qu’il feignaitfaisant semblant, il disait (une fausse information) toujours en sa présencedevant l'équipage qu’on faisait peu de chemin , afin que le voyage ne leur parûtsemblât pas aussi long. [...] La mer devint très unie, ce qui fit que beaucoup de marins se mirent à nager: ils virent un grand nombre de dorades et d'autres poissons.


un banc de dorades

Mercredi 26 septembre
On navigua en suivant la route de l'ouest jusqu'après midi. On prit ensuite la direction du sud-ouest dans laquelle on fila jusqu'à ce qu'on reconnut que ce qu'on avait supposé comprenne que ce que l'on croyait être la terre ne l'était pas, et que ce n’était que le ciel. On fit, entre le jour et la nuit, trente et une lieues, dont l'amiral ne déclara que vingt-quatre à son équipage. La mer était unie comme une rivière, et l'air doux et très agréable.


Réplique des trois caravelles du premier voyage de C.Colomb: la Pinta, la Niña et la Santa Maria.

Jeudi 17 septembre
La flottille suivit sa route à l’ouest, et fit pendant le jour et la nuit vingt-quatre lieues, dont l'amiral compta vingt à ses gensson équipage, ses marins. Beaucoup de doradespoissons (voir image plus haut) se présentèrent, on en tua une, et on vit une paille-en-queueoiseau de mer (voir image plus haut) (rabo de junco).

Vendredi 28 septembre
On navigua dans la direction de l’ouest; on fut pris de calme le jour et la nuit, et l’on ne fit que quatorze lieues, dont l’amiral ne compta que treize. On trouva un peu d’herbe, et l'on prit deux dorades. Les deux autres navires en prirent un plus grand nombre.

Samedi 29 septembre
On navigua encore dans la direction de l'ouest, et on fit vingt-quatre lieues, dont l’amiral déclara vingt et une à son équipage. Des calmes qui survinrent furent cause que pendant le jour et la nuit on fit peu de chemin Le bateau avança peu pendant le jour et la nuit à cause de la mer calme et de l'absence de vent.


une frégate

On vit un oiseau qui s'appelle frégate (rabiforcado) et [qui] fait rejeter aux fous (alcatraces) ce qu'ils ont mangé pour le manger à son tour. Il ne se nourrit pas d’autre chose ni d’une autre manière (La frégate a en effet l'habitude de poursuivre les fous et de les obliger à abandonner leur poisson.). C’est un oiseau de mer, mais il ne se pose pas en mer, et ne s’éloigne pas à vingt lieues de terre. Il y en a beaucoup dans les îles du cap Vert. On vit ensuite deux fous. L'air était doux et très agréable; il ne manquait que d’entendre le chant du rossignol; et la mer était unie comme une rivière. En trois fois différentes parurent A trois moments différents, arrivèrent trois fous et une frégate (forcado). On vit beaucoup d’herbe.

Dimanche 30 septembre
On navigue encore à l'ouest, et les calmes qui survinrent ne permirent de faire que quatorze lieues entre jour et nuit : l’amiral en compta onze. Quatre paille-en-queue vinrent au navire amiral de C.Colomb; et c'est un grand signe de la proximité de la terre, parce que ce nombre d'oiseaux de même espèce réunis prouve qu'ils ne sont ni égarésperdus ni perdus.

[...]

Dimanche 7 octobre
Aujourd'hui chacune des trois caravelles courait à l'envi l'une de l'autre, désirant voir la terre avant les autres, parce qu'il n'était personne qui ne voulût jouirtout le monde voulait profiter, voulait avoir de la récompense que le Roi et la Reine avaient promise à celui qui la verrait le premier.
Au lever du soleil le navire la Niña, qui était devant parce qu'il était bon voilier, arbora un pavillonagita, montra un drapeau au bout du mât de hune, et fit signe qu'il voyait terre, parce que l'amiral en avait donné l'ordre. Il avait aussi ordonné qu’au lever et au coucher du soleil les trois bâtimens fussent réunis, parce que l'absence ou la diminution des nuages et des vapeurs, dans ces deux moments. les rend plus proprescapables à voir de loin. Le soir s‘approchait; l'équipage de la Niña ne voyait point encorepas encore la terre qu'il pensait avoir découverte; une grande multitudebeaucoup, de très nombreux d‘oiseaux volaient du nord au sud-ouest, ce qui pouvait faire croire qu'ils allaient passer la nuit à terre, ou fuyaient peut-être l'hiver [...]. L'amiral savait que les Portugais durent à l'observation du vol des oiseaux, la découverte de la plupart des iles qui sont en leur possession ont découvert la majorité des îles qu'ils possèdent en observant le vol des oiseaux.

Mercredi 10 octobre
Ici les gens de l'équipage se plaignaient de la longueur du voyage, et ne voulaient pas aller plus loin. Mais l'amiral les ranima leur redonna courage, les remotiva du mieux qu’il put en leur donnant bonne espérancebon espoir des profits qu'ils pourraient faire. Et il ajouta qu'au reste leurs plaintes ne leur serviraient à rien, parce qu'il était venu pour se rendre aux Indes , et qu‘il entendaitvoulait poursuivre son voyage jusqu'à ce qu‘il les trouvât avec l'aide de notre SeigneurDieu.

Jeudi 11 octobre
L‘amiral fit continuer la navigation de sa flottille dans le rumb ouest-sud-uuest : ou eut une grosse mer, plus forte qu'on ne l‘avait eue dans tout le voyage. On vit des dumiers (par— delas) et un jonc vert tout près du navire amiral. L‘équipage de la Caravelle Pinla aperçut un ro— senu et un bâton, et on prit un autre petit bâton (palillo) qui paraissait travaillé avec du fer, un



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Christophe Colomb arrive en Amérique
Par L. Prang & Co., Boston [Public domain], via Wikimedia Commons

24 octobre
Je suis parti pour une île que les Indiens que j'emmène avec moi appellent Colba [Cuba]. Si j'en crois les indications qu'ils me donnent de sa grandeur et de sa richesse, ce doit être Cipangole Japon qui devrait se trouver dans ces parages d'après les cartes que j'ai consultéesobservées, regardées. Ils disent qu'elle est bien pourvue de perles, d'or et d'épices.

16 décembre
Les habitant d'Hispaniola ne possèdent pas d'armes et vont tout nus. Ils sont si poltrons que mille d'entre eux n'oseraient pas attaquer trois de nos hommes. Ils sont aptes pour qu'on les fasse travailler. On pourra en faire des chrétiens.