L'avare de Molière, 1668


Levent Beskardès dans le rôle d'Harpagon
Simon Attai dans le rôle de Valère
dans une mise en scène d'Alfredo Corrado, IVT

Acte I, Scène IV: l'annonce de mariage

Harpagon, Elise

Harpagon:
A ton frère, je lui destine une certaine veuve dont ce matin on m'est venu parler ; et pour toi, je te donne au seigneur Anselme.
Elise:
Au seigneur Anselme ?
Harpagon:
Oui, un homme mûr, prudent et sage, qui n'a pas plus de cinquante ans, et dont on vante les grands biens.
Elise: Elle fait une révérence.
Je ne veux point me marier, mon père, s'il vous plaît.
Harpagon: Il contrefait la révérence.
Et moi, ma petite fille ma mie, je veux que vous vous mariiez, s'il vous plaît.
Elise:
Je vous demande pardon, mon père.
Harpagon:
Je vous demande pardon, ma fille.
Elise:
Je suis très humble servante au seigneur Anselme ; mais avec votre permission, je ne l'épouserai point.
Harpagon:
Je suis votre très humble valet ; mais, avec votre permission, vous l'épouserez dès ce soir.
Elise:
Dès ce soir ?
Harpagon:
Dès ce soir.
Elise:
Cela ne sera pas, mon père.
Harpagon:
Cela sera, ma fille.
Elise:
Non.
Harpagon:
Si.
Elise:
Non, vous dis−je.
Harpagon:
Si, vous dis−je.
Elise:
C'est une chose où vous ne me réduirez point.
Harpagon:
C'est une chose où je te réduirai.
Elise:
Je me tuerai plutôt que d'épouser un tel mari.
Harpagon:
Tu ne te tueras point, et tu l'épouseras. Mais voyez quelle audace ! A−t−on jamais vu une fille parler de la sorte à son père ?
Elise:
Mais a−t−on jamais vu un père marier sa fille de la sorte ?
Harpagon:
C'est un parti où il n'y a rien à redire ; et je gage que tout le monde approuvera mon choix.
Elise:
Et moi, je gage qu'il ne saurait être approuvé d'aucune personne raisonnable.
Harpagon:
Voilà Valère : veux−tu qu'entre nous deux nous le fassions juge de cette affaire ?
Elise:
J'y consens.
Harpagon:
Te rendras−tu à son jugement ?
Elise:
Oui, j'en passerai par ce qu'il dira.
Harpagon:
Voilà qui est fait.

Scène V

Valère, Harpagon, Elise
Harpagon:
Ici, Valère. Nous t'avons élu pour nous dire qui a raison, de ma fille ou de moi.



Du texte à la scène: commentaire de la scène 4 de l'acte I