Personnages :
Justice Draper : le juge
Les jurés
Le président du jury
Minchett : procureur
Douglas Templemore : journaliste, l'accusé
Jameson : avocat de l'accusé
Vancruysen : homme d'affaires
Sybil Greame : anthropologue et fiancée de Douglas
Professeur Kreps : géologue
Après la guerre de Sécession, en 1865, l'esclavage est abolisupprimé dans le sud des États-Unis. Mais les populations noires, progressivement exclues de la vie politique, se voient imposer un système légal de ségrégation.
La ségrégation est une séparation sociale des noirs et des blancs. Séparation dans les lieux publics, les transports en commun, les écoles, les quartiers,... mais aussi dans la vie professionnelle et politique. Les noirs et les blancs ne peuvent pas se mélanger. La ségrégation repose sur le racisme : les blancs pensent que les noirs sont inférieurs.
En juin 1963, le président Kennedy déclara que "la race n'avait pas de place dans la vie et dans le droit du pays" . Kennedy fut assassiné le 22 novembre, mais son successeur Lyndon Johnson poursuivit sa politique : la grande loi des droits civiques votée en 1964 interdisait toute forme de discrimination et de ségrégation dans les lieux publics.
Source : "Etats-Unis : un siècle de ségrégation", article de Pap Ndiaye, l'Histoire, 2006
L'apartheid en Afrique du Sud
Le mot "apartheid" signifie "vivre à part" (= séparés). En Afrique du Sud, les lois séparaient les blancs et les noirs. C'est une ségrégation extrême.
L'Afrique du Sud a été colonisée par les Hollandais puis les Britanniques (anglais). Le régime de ségrégation (dans l'emploi, la société et la propriété de la terre) a commencé avec les anglais en 1911.
En 1948, l'apartheid s'est installé en Afrique du Sud avec l'élection du parti National des Afrikaners (blancs).
Les blancs avaient tous les pouvoirs et la population était séparée en fonction de sa couleur ou son origine : blancs / noirs / métis / asiatiques.
Voir le début du film "Skin" qui se passe en Afrique du Sud pendant l'apartheid.
JAMESON : Non, ce n'est pas cela. C'est même tout le contraire.
JUSTICIER DRAPER : Alors, maître, que voulez-vous dire ? Nous attendons vos précisions.
JAMESON : Nous voulons montrer, Votre Honneur, que l'essentiel dans ce procès ce n'est pas le sort de mon client ni de quelques malheureux tropis. Mais le destin peut-être de nombreux petits peuples sans défense, que l'on s'apprêtese prépare, vous l'avez entendu, à réduire de nouveau en esclavage. La menace est pressante en Australie, elle pèse en Afrique du Sud, de proche en proche elle pourrait bien remonter jusqu'à nous et nos travailleurs immigrés ! Seul peut encore anéantirdétruire, arrêter, stopper, empêcher ces projets monstrueux ce qui se décidera ici. Et ce qui se décidera ici, si mon client l'obtient, il se pourrait que ce fût au prix de son honneur et de sa vie. Il le sait et l'accepte. Et voilà, my lord, les choses comme elles sont, en vérité. ( Il se rassoit.)
******************
JUSTICE DRAPER (après avoir considéré Douglas, d'une voix douce) : Mademoiselle Sybil Greame voudrait-elle revenir à la barre ? (Sybil s'avance.) Devons-nous décidément comprendre, mademoiselle, que l'apparition parmi nous de ces pauvres tropis a si bien bouleversé les notions généralement admises de l'espèce humaine, que, entre l'homme et l'animal, il n'existe vraiment plus de frontière précise ? Que, pouvant la faire passer désormais où cela paraît commode, rien n'empêche plus certains gouvernements cruels, s'ils le décident ainsi, de rayer d'un coup de plume, de leur population, n'importe quel peuple de couleur ?
SYBIL (un peu piquante) : Et pourquoi de couleur, my lord? Cette discrimination pourrait tout aussi bien se retourner contre les Blancs, le jour où ils perdraient leur suprématie.
JUSTICE DRAPER : Comment, que voulez-vous dire ?
SYBIL : Que le racisme, c'est la loi du plus fort, rien d'autre. Et que le jour où les peuples d'Asie ou d'Afrique le deviendront, les plus forts, ils pourront tout aussi bien nous rendre la pareille.
JUSTICE DRAPER (ébahi et choqué) : Et pour nous dominer, prétendre que nous sommes, NOUS ! les Anglais, plus près du singe ?
SYBIL (amusée, ironique) : Et pourquoi non, my lord? Ce ne serait pas sans motif. Le Noir du Sénégal se tient plus droit, plus noblement que nous. Le squelette du Chinois est plus délié, plus raffiné. L'Hindou a le système pileux moins développé. Si nous sommes les moins forts, ce sera bien leur tour de nous traiter en espèce inférieure, en simples hominidés.
JUSTICE DRAPER (grattant fougueusement sa perruque) : Oh ! oh ! Alors il faudrait sans tarder établir où elle passe, cette frontière, et empêcher ainsi toute contestation !
SYBIL : C'est certainement souhaitable, my lord; seulement...
JUSTICE DRAPER : Ne pourrions-nous vous demander, mademoiselle, ainsi qu'à monsieur votre père et à d'autres anthropologues de toutes nationalités, de se mettre d'accord sur une définition zoologique de l'espèce humaine, après quoi vous reviendrez à cette barre nous apporter vos conclusions ?
KREPS (à son banc et se frappant La cuisse) : Je vous la souhaite , bonne et heureuse, my lord! Vous aurez de vrais cheveux blancs avant que vos anthropologues...
JUSTICE DRAPER (l'interrompant du marteau puis à Sybil) : Est-ce donc si difficile ?
SYBIL : Pas difficile, mais arbitraire, my lord. La nature ne classifie jamais. C'est nous qui le faisons, par commodité. Afin de nous y retrouver un peu. Mais chacun le fait à son idée. Alors, il vaudrait mieux tirer au sort, cela irait plus vite et ce ne serait pas moins exact.
[...]