GÉRONTE.- Ah, seigneur Argante, vous me voyez accablé de disgrâce.
ARGANTE.- Vous me voyez aussi dans un accablement horrible.
GÉRONTE.- Le pendard de Scapin, par une fourberie, m’a attrapé cinq cents écus.
ARGANTE.- Le même pendard de Scapin, par une fourberie aussi, m’a attrapé deux cents pistoles.
GÉRONTE.- Il ne s’est pas contenté de m’attraper cinq cents écus, il m’a traité d’une manière que j’ai honte de dire. Mais il me la paiera.
ARGANTE.- Je veux qu’il me fasse raison de la pièce qu’il m’a jouée.
GÉRONTE.- Et je prétends faire de lui une vengeance exemplaire.
SILVESTRE.- Plaise au Ciel, que dans tout ceci je n’aie point ma part !
GÉRONTE.- Mais ce n’est pas encore tout, seigneur Argante, et un malheur nous est toujours l’avant-coureur d’un autre. Je me réjouissais aujourd’hui de l’espérance d’avoir ma fille, dont je faisais toute ma consolation ; et je viens d’apprendre de mon homme qu’elle est partie il y a longtemps de Tarente, et qu’on y croit qu’elle a péri dans le vaisseau où elle s’embarqua.
ARGANTE.- Mais pourquoi, s’il vous plaît, la tenir à Tarente, et ne vous être pas donné la joie de l’avoir avec vous ?
GÉRONTE.- J’ai eu mes raisons pour cela ; et des intérêts de famille m’ont obligé jusques ici à tenir fort secret ce second mariage. Mais que vois-je ?