Les fourberies de Scapin, de Molière, 1671

Acte I scène 3

Octave, Hyacinthe, Scapin, Sylvestre

Octave et Hyacinthe se sont mariés en secret pendant l'absence d'Argante, le père d'Octave.
Octave a appris que son père était rentré et il a peur de sa réaction. Il va donc demander de l'aide au rusé Scapin.

OCTAVE.- Voici un homme qui pourrait bien, s’il le voulait, nous être dans tous nos besoinsproblèmes, d’un secours merveilleux"nous être d'un secours"= nous sauver, nous aider.

SCAPIN.- J’ai fait de grands sermentspromis de ne me mêler plus du mondene plus m'occuper des affaires des autres ; mais si vous m’en priezme demandez, me suppliez bien fort tous deux, peut-être...

OCTAVE.- Ah, s’il ne tient qu’às'il suffit de... te prier bien fort pour obtenir ton aide, je te conjuresupplie, demande de tout mon cœur de prendre la conduite de notre barquenous diriger, décider pour nos affaires .

SCAPIN.- Et vous, ne me dites-vous rien ?

HYACINTE.- Je vous conjuresupplie, [...], par tout ce qui vous est le plus cher au monde, de vouloir serviraider notre amour.

SCAPIN.- Il faut se laisser vaincreconvaincre, et avoir de l’humanitéêtre généreux, avoir bon coeur. Allez, je veux m’employer pour vousvous aider, faire des efforts pour vous aider.

OCTAVE.- Crois que...

SCAPIN.- Chut. (Parlant à Hyacinte) Allez-vous-en, vous, et soyez en repos. (A Octave) Et vous, préparez-vous à soutenirrésister avec fermeté l’abord de votre père.

OCTAVE.- Je t’avoue que cet abordcette rencontre me fait trembler par avance, et j’ai une timidité naturelle que je ne saurais vaincre.

SCAPIN.- Il faut pourtant paraître fermedécidé, solide au premier choccontact, à la première rencontre, de peur que, sur votre faiblesse, il ne prenne le pied de vous menerprofite de votre faiblesse pour vous manipuler comme un enfant. Là, tâchezessayez de vous composer par étudebien jouer votre rôle . Un peu de hardiessecourage, et songez àn'oubliez pas de, pensez à répondre résolûmentfermement, de façon sure sur tout ce qu’il pourra vous dire.

OCTAVE.- Je ferai du mieux que je pourrai.

SCAPIN.- Çà, essayons un peu, pour vous accoutumerentrainer, habituer. Répétons un peu votre rôle, et voyons si vous ferez bien. Allons. La mine résolueLe visage décidé, sûr, la tête haute, les regards assurés.

OCTAVE.- Comme cela ?

SCAPIN.- Encore un peu davantageplus.

OCTAVE.- Ainsi ?

SCAPIN.- Bon. Imaginez-vous que je suis votre père qui arrive, et répondez-moi fermement comme si c’était à lui-même. "Comment, pendard, vaurien, infâme,(insultes) voyou, bandit, canaille fils indignemauvais fils d’un père comme moi, oses-tu bien paraître devant mes yeuxvenir devant moi après tes bons déportementsbon comportement, bonne attitude (expression ironique: ton mauvais comportement), après le lâche tour que tu m’as joué pendant mon absence ? Est-ce là le fruit de mes soins, maraud(insulte)? est-ce là le fruitle résultat, la récompense de mes soins ? le respect qui m’est dûque tu me dois? le respect que tu me conserves?" Allons donc. "Tu as l’insolencel'irrespect, fripon(insulte), de t’engager sans le consentementl'accord de ton père, de contracter un mariagete marier clandestincaché, secret, (sans l'accord du père)? Réponds-moi, coquin(insulte), réponds-moi. Voyons un peu tes belles raisonsexplications, arguments." Oh ! que diable ! vous demeurez interditrestez silencieux !

OCTAVE.- C’est que je m’imagine que c’est mon père que j’entends.

SCAPIN.- Eh oui. C’est parpour cette raison qu’il ne faut pas être comme un innocentenfant, idiot.

OCTAVE.- Je m’en vais prendre plus de résolutionforce, et je répondrai fermement.

SCAPIN.- Assurément ?

OCTAVE.- Assurément.

SILVESTRE.- Voilà votre père qui vient.

OCTAVE.- Ô Ciel ! je suis perdu.

SCAPIN.- Holà, Octave, demeurezrestez. Octave. Le voilà enfui. Quelle pauvre espèce d’homme ! Ne laissons pas attendre le vieillard.

SILVESTRE.- Que lui dirai-je ?

SCAPIN.- Laisse-moi dire, moi, et ne fais que me suivre.


scène 4