Corps d'Hector trainé derrière le char d'Achille autour des murailles de Troie
La pièce de Racine se passe un an après la fin de la guerre de Troie qui a opposé les Troyens et les Grecs.
Les Grecs sont vainqueurs de la guerre de Troie; les Troyens ont été massacréstués et la ville incendiéebrûlée.
La chute de Troie de Daniel Van Heil (1604-1662)
Le héros Grec Achille a tué Hector, le fils du roi de Troie. Puis il a attaché son corps à un char et il l'a trainé autour des murailles de la ville de Troie.
"Le triomphe d'Achille" de Franz Matsch, 1882, Palais de l'impératrice Elizabeth d'Autriche à Corfou, Wikimedia Commons
Pyrrhus, le fils d'Achille, a égorgé Priam, le roi de Troie, sur l'autel où il priait.
"La mort de Priam" de Lefbvre, 1861, Wikimedia Commons
A la fin de la guerre de Troie, la Troyenne Andromaque (femme d'Hector) devient la captiveprisonnière du Grec Pyrrhus. Les Grecs craignent ont peur qu'Astyanax (fils d'Hector et descendant du roi de Troie) veuille venger sa famille et reprendre le trônepouvoir de Troie. Ils demandent donc à Pyrrhus de leur livrerdonner le jeune Astyanax pour le sacrifier. Pyrrhus, amoureux d'Andromaque, propose à Andromaque de sauver Astyanax à condition qu'elle accepte de l'épouser.
"Andromaque et Pyrrhus" de Guérin, 1810, Wikimedia Commons.
Dans ce tableau, le peintre représente les 5 personnages les plus importants de la pièce: Pyrrhus protégeant Andromaque et Astyanax au centre, Oreste à droite qui réclame Astyanax et Hermione à gauche qui part quand elle comprend que le coeur de Pyrrhus lui échappe.
Andromaque et Céphise (Céphise est la servante et confidente d'Andromaque)
Céphise tente de convaincre Andromaque d'épouser Pyrrhus pour sauver Astyanax.
Céphise:
Madame, à votre époux c’est être assez fidèle :
Trop de vertu pourrait vous rendre criminelle ;
Lui-même il porterait votre âmevous pousserait à la douceur.
Andromaque:
Quoi ? je luià Hector donnerais Pyrrhus pour successeur !
[...]
Dois-je oublier Hector privé desans funéraillescérémonie d'enterrement où l'on rend hommage au mort
Et traîné sans honneur autour de nos murailles ?
"Mort de Priam", par Regnault, 1785 source
Dois-je oublier son père à mes pieds renversé,
Ensanglantant l’autel qu’il tenait embrassédans ses bras ?
Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle ;
Figure-toiVois, Imagine Pyrrhus, les yeux étincelantsbrillants,
Entrant à la lueurlumière de nos palais brûlants,
Sur tous mes frères morts se faisant un passage,
Et de sang tout couvert échauffantanimer, exciter le carnage ;
Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants,
Dans la flamme étouffés, sous le fer expirantmourant ;
Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue :
Voilà commecomment Pyrrhus vint s’offrir à ma vue ;
Voilà par quels exploits il sut se couronner ;
Enfin voilà l’époux que tu me veux donner.
Non, je ne serai point complice de ses crimes ;
Qu’il nous prenne, s’il veut, pour dernières victimes.
Tous mes ressentimentsma rancune, ma haine, ma colère lui seraient asservis.
Céphise:
Eh bien, allons donc voir expirermourir votre fils :
On n’attend plus que vous... Vous frémisseztremblez, Madame ?
Andromaque:
Ah ! de quel souvenir viens-tu frapper mon âme !
Quoi ? Céphise, j’irai voir expirermourir encor
Ce fils, ma seule joie, et l’image d’Hector ?
Ce fils, que de sa flammeson amour il me laissa pour gagepreuve ?
Hélas ! je m’en souviens, le jour que son courage
Lui fit chercher Achille, ou plutôt le trépasla mort,
"Les adieux d'Hector et d'Andromaque"
de J.M Vien, 1786, Wikipedia
Il demanda son fils, et le prit dans ses bras :
« Chère épouse, dit-il en essuyant mes larmes,
J’ignore quel succès le sort garde à mes armes ;
Je te laisse mon fils pour gage de ma foipreuve de mon amour :
S’il me perd, je prétendsveux qu’il me retrouve en toi.
Si d’un heureux hymenmariage la mémoire t’est chère,
Montre au fils à quel point tu chérissais le père».
Et je puispeux voir répandre un sang si précieux ?
Et je laisse avec lui périrmourir tous ses aïeuxancêtres ?
Roi barbare, faut-il que mon crime l’entraîne ?
Si je te hais, est-il coupable de ma haine ?
T’a-t-il de tous les sienstout son peuple, toute sa famille reproché le trépasla mort ?
S’est-il plaint à tes yeux des mauxmalheurs, souffrances qu’il ne sent pas ?
Mais cependant, mon fils, tu meurs si je n’arrête
Le ferL'épée que le cruell'homme cruel (= Pyrrhus) tient levé sur ta tête.
Je l’en puis détourner, et je t’yà l'épée vais offrir ?...
Non, tu ne mourras point, je ne le puis souffrirsupporter, accepter.
Allons trouver Pyrrhus. Mais non, chère Céphise,
Va le trouver pour moi.
Céphise:
Que faut-il que je dise ?