Phaéton est le fils de Clymène et de Hélios, le dieu du Soleil. Depuis qu’il est enfant, sa mère lui répète continuellement qu’il est le fils d’un dieu tout puissant. Un jour qu’il se vante d’être d’origine divine, son ami Epaphus, le fils de la nymphe Io, lui répond: “Cesse donc de te vanter et arrête de croire ce que ta mère te dit.”
Phaéton, vexé, honteux, rougit et va raconter cette dispute à sa mère.
“Mère, dit-il, si je suis réellement le fils d’un dieu, donnez-moi une preuve éclatante!
— Je jure mon fils, répond la mère, que tu es le fils d’Hélios, le dieu du soleil! Si je mens, que je meure immédiatement! Tu peux aller facilement jusqu’au palais de ton père. Si tu es courageux, va le voir et le Soleil confirmera que tu es bien son fils!”
A gauche: Phaéton et Epaphus se disputent.
A droite, Clymène montre à Phaéton le char du Soleil.
Phaéton décide de partir et il arrive en Orient où se trouve le splendide palais du Soleil.
Le palais est magnifique: il resplendit d’or et d’argent et brille des lumières aveuglantes des diamants. Ses portes sont merveilleusement sculptées et rayonnent de mille feux.
Phaéton entre pour voir son père. Mais le dieu du Soleil brille tant qu’il aveugle l’adolescent. Celui-ci admire son père de loin: il est assis sur un trône resplendissant et porte une robe pourpre.
Le Soleil aperçoit son fils et s’écrie: “Phaéton, mon cher fils, pourquoi es-tu venu me voir ?
— Ô dieu du Soleil, je voudrais une preuve que tu es bien mon père.”
Le dieu enlève ses puissants rayons et dit à son fils de s’approcher. Il le serre dans ses bras et lui dit:
“Bien sûr que je suis ton père! Et pour preuve: demande-moi ce que tu veux, je jure sur le Styx de te l’accorder.
— Si tu es vraiment mon père, laisse-moi conduire ton char solaire et tenir les rênes de tes chevaux pendant toute une journée.”
Le père regrette déjà sa promesse: “J’ai parlé sans réfléchir, dit-il à son fils. Ah, si je pouvais renier ma promesse, je refuserais! Ce que tu me demandes est très dangereux! Tu es trop jeune et trop faible pour mener cette mission! Tu n’es pas un dieu mais un mortel. De plus, tu n’es qu’un enfant! Ce que tu me demandes, personne ne peut le faire! Même Zeus, le puissant maître de l’Olympe, ne peut pas tenir une journée sur mon char enflammé!
— Mon père, je suis ton fils et tu as promis d’accomplir mon voeu.
— Oui mon fils, et je ne peux pas refuser. Mais je te supplie de renoncer à ce projet. Conduire mon char est bien trop dangereux. La première partie du chemin est très raide et mes chevaux l’escaladent péniblement. A midi, il faut voler très haut dans le ciel et souvent moi-même, quand je regarde de si haut la mer et la terre, je tremble, effrayé. A la fin de la journée, il faut descendre une pente vertigineuse et retenir les chevaux fougueux pour que le char ne s’écrase pas. Il faut une grande force pour maîtriser mon char et tu es trop faible pour cela.
— Je suis fort et courageux père.
— Tu n’es pas assez robuste pour cette tâche. La route est périlleuse, pleine de dangers, de pièges et de bêtes féroces ! Tu devras passer entre les terribles cornes du Taureau, faire attention à l’arc du Sagittaire, éviter la gueule du Lion cruel, échapper au dard venimeux du Scorpion et aux pinces du Cancer! Et mes chevaux aussi sont dangereux: ils crachent du feu par les naseaux et refusent d’obéir. Je les contrôle difficilement. Je t’en supplie mon fils, choisis un autre voeu. Tu veux une preuve que je suis bien ton père? Regarde comme je m’inquiète pour toi, mes yeux et mon coeur ont peur pour toi. C’est bien la preuve que je suis ton père! Regarde le monde autour de toi et demande-moi ce que tu veux, mais s’il te plaît, renonce à conduire mon char!”
Mais Phaéton n’écoute pas son père et continue à désirer conduire le char du Soleil.
Alors Hélios amène son fils devant le char en or étincelant construit par Héphaïstos, le dieu forgeron. Il va chercher ses chevaux cracheurs de feu dans les écuries et les attelle.
Puis il couvre la peau de son fils avec une pommade pour le protéger de la chaleur des flammes. Le coeur plein d’angoisse, Helios donne les derniers conseils à Phaéton:
“Tiens fermement les rênes, ne pique pas les chevaux. Ne choisis pas la voie directe mais trace une courbe dans le ciel. Il ne faut ni brûler ni glacer la terre: ne t’approche pas trop de la terre sinon tu vas incendier les maisons mais ne monte pas trop haut dans le ciel ou tu risques de brûler l’Olympe. Reste sagement au milieu. Sois prudent. Une dernière fois Phaéton, je te supplie de me laisser les rênes.”
Phaéton monte joyeusement sur le char. Il est si léger que les chevaux ne sentent pas son poids. Les bêtes s’élancent dans le ciel et, sentant le char si léger, accélèrent leur course et quittent la route habituelle.
Phaéton a peur. Il ne sait pas où est sa route ni comment diriger les chevaux. Du haut du ciel, il aperçoit la terre très loin sous le char; il a le vertige, pâlit et ses jambes tremblent. “Comme je regrette d’avoir voulu conduire ce char!” se dit-il. “J’aurais dû écouter mon père! Si je l’avais écouté, je ne serais pas dans ce ciel effrayant avec ces chevaux que je ne maîtrise plus!” Il regarde autour de lui et tremblant d’effroi, il découvre des animaux monstrueux: le Scorpion tente de le piquer avec son dard venimeux. Terrorisé, l’enfant lâche les rênes.
Quand les chevaux sentent que plus personne ne les dirige, ils galopent n’importe où: ils se cognent aux étoiles, descendent vers les pôles et font fondre la glace, ils gagnent les sommets puis dévalent les pentes. Les nuages, brûlés, se transforment en fumée. Les sommets des montagnes s’enflamment. La terre se dessèche, se crevasse. Les récoltes sèchent, les arbres et les champs prennent feu. Les incendies détruisent des villes entières avec leur population. Les forêts se consument. Les sources se tarissent . L’Etna s’embrase. Un brasier immense atteint l’Olympe. Phaéton voit que l’univers est en feu. Il fait une chaleur insupportable: il respire un air brûlant qui semble sortir d’un four. Il est enveloppé d’une fumée ardente; les cendres volent autour de lui. Les fleuves bouillonnent et s’évaporent. Le Nil, épouvanté, fuit. La mer se retire, laissant un sol aride. D’immenses crevasses se forment sur terre et laissent la lumière pénétrer dans les Enfers. Les poissons fuient au fond des mers devenues tièdes. Par trois fois, Neptune, le dieu de la mer, tente de sortir son visage de l’eau, mais il renonce car il ne peut supporter l’air embrasé.
La Terre se plaint à Zeus: “Ô Dieu des dieux, je peux à peine parler tant ma gorge est sèche! Vois mes cheveux calcinés! Regarde ces cendres ardentes sur mes yeux et mon visage! Observe les mers qui diminuent! Regarde les pôles qui fument! Le monde est incandescent! Prends pitié de nous et pense à l’univers!”
Alors Zeus monte sur le plus haut somment et lance sa foudre sur Phaéton et son char. Le char est déchiqueté et Phaéton chute.
Le fleuve Eridan le recueille et les nymphes mettent son corps dans un tombeau et inscrivent sur la pierre:
“Ci-gît Phaéton, qui fut l'aurige du char de son père ;
Il ne put le maîtriser, mais sa grande témérité le perdit. »
Helios, malheureux, se cache et n’éclaire plus la terre. Clymène, la mère de Phaéton est folle de douleur: elle quitte l’Ethiopie et cherche le corps de son fils dans le monde entier. Elle découvre le tombeau de Phaéton et reste sur place avec ses filles, les Héliades, à pleurer jour et nuit. Après quatre jours de larmes, l’aînée des soeurs de Phaéton veut se coucher par terre: mais ses pieds sont devenus rigides. Quand sa soeur veut s’approcher d’elle, elle voit que ses pieds se sont transformés en racine. La troisième veut s’arracher les cheveux de désespoir mais ses mains ne ramènent que des feuilles. Leurs jambes se muent en troncs, leurs bras se transforment en branches et l’écorce enveloppe peu à peu tout leur corps, ne leur laissant que la bouche pour appeler leur mère. Clymène les embrasse et essaye de séparer leur corps du tronc: elle brise les jeunes branches et des gouttes de sang coulent de la blessure.
“Mère, je t’en prie, quand tu blesses l’arbre, tu déchires mon corps. Adieu...” crie chaque fille. Et l’écorce couvre leurs lèvres.