Il y a bien longtemps, en Grèce, vivait le roi Acrisios, roi d’Argos. Acrisios n’avait qu’une fille Danaé et il se désespérait d’avoir un fils. Il alla voir l’oracle de Delphes pour interroger les Dieux et savoir comment il pourrait avoir des descendants mâlesfils et des petits-fils.
L’oracle répondit: “Acrisios, tu n’auras pas de fils. Ta fille Danaé te donnera un petit-fils. Mais cet enfant te tuera.”
Horrifié, le roi Acrisios décida de tout faire pour empêcher l’oracle de se réaliser. Pour que Danaé n’ait pas d’enfants, il enferma sa fille dans une salle souterrainesous la terre toute en bronze métal (comme le fer) très solide où aucun homme ne pouvait pénétrerentrer.
Danaé, par Rembrandt, 1643
Zeus et ses symboles: l'aigle et la foudre
Mais Zeus, le roi des Dieux, maître du ciel et de la foudre, fut séduit par la beauté de la jeune fille.
Il se transforma en pluie d’or et se laissa couler à travers le toit sur le sein de Danaé.
Danaé et la pluie d'or, vers 450-425 avant Jésus-Christ
Enceinte du plus puissant des Dieux, Danaé mit au mondeaccoucha de un petit garçon: Persée.
Acrisios fut terrifié en voyant que l’oracle allait se réaliser. Comme il ne pouvait pas tuer cet enfant qui semblait de descendance divinefils d'un dieu, il décida d’éloigner sa fille et son petit-fils pour échapper àéviter son destin.
Il ordonna que Danaé et l’enfant soient enfermés dans un coffre et jetés à la mer.
Acrisios mettant Danaé et Persée dans un coffre, vers 490-470 avant J.C
Zeus chargeadit à Athéna et Hermès de veiller sur la jeune fille et le nouveau-nébébé.
Le courant marinde la mer déposa le coffre sur le rivagela côte, la plage de l'île de Sériphos.
Danaé et Persée furent recueillis par un pêcheur, Dictys.
Danaé recueillie par des pêcheurs, par Waterhouse, 1892
Dictys et son épousesa femme ne pouvaient pas avoir d’enfants. Ils accueillirent donc avec joie les naufragés et Persée grandit dans la cabanepetite maison de bois du couplede l'homme et de la femme.
Polydectès, le roi de Sériphos, rencontra un jour Danaé et en tomba amoureux. Mais Persée était devenu un grand jeune homme et le roi ne pouvait pas approcher sa mère. Polydectès eut alors une idée pour se débarrasser deéloigner Persée: il lui ordonna de lui rapporter la tête de la Gorgone Méduse.
Méduse
Les Gorgones étaient trois soeurs dangereuses et au visage affreux.
A la place des cheveux, elles avaient des serpents entremêlés et hérissés d’écailles. Deux énormes défenses de sanglier
sortaient de leur bouche. Leurs mains étaient en bronze et des ailes d’or leur permettaient de voler.
Elles avaient surtout le pouvoir de changer en pierre tous ceux qui les regardaient. Des trois soeurs, Méduse était la plus puissante. Mais elle était également la seule à être mortelle.
Persée partit en quêteà la recherche des Gorgones. Mais il voyagea longtemps sans trouver où elles demeuraienthabitaient.
Minerve remettant son bouclier à Persée,
tableau de René Antoine Houasse, vers 1688
La déesse Athéna, qui haïssait Méduse et voulait s’en venger, aida Persée en lui offrant un bouclier de bronze dont l’intérieur était si poli qu’il semblait un miroir. Elle l’avertit du danger de croiser le regard de Méduse et lui conseilla de regarder la Gorgone en s’aidant du reflet dans son bouclier.
Quant à Hermès, messager des dieux et dieu protecteur des voyageurs, il offrit à Persée une faucille d’acier pour trancher la tête de Méduse.
Hermès , Athéna et Persée, vers 400-385 av J.C
Mais Persée avait encore besoin d’aide pour vaincre la Gorgone. Pour cela, il devait se rendre chez les Nymphes et surtout découvrir où vivaient les Gorgones. Mais seules les trois Grées pouvaient lui indiquer la route.
Les Grées par E.Burne-Jones
Les Grées étaient trois soeurs immortelles, soeurs ainées de Méduse. Elles étaient nées vieilles et laides. Elles n’avaient pour elles trois qu’un seul oeil et une dent qu’elles se prêtaient à tour de rôle pour voir et manger chacune leur tour.
Les Grées dans Le choc des Titans
Quand il se présenta devant la demeure des Grées, Persée s’enquit de la route à suivre. Mais aucune des vieilles ne voulut lui répondre: elles se passaient l’oeil et la dent en observant le jeune homme qu’elles trouvaient appétissant et guettaient le moment opportun pour planter leur dent dans cette nouvelle proie. Voyant qu’il n’obtiendrait rien, il se saisit par surprise de l’oeil et de la dent. Aveugles et édentées, les Grées se mirent à gémir et à le supplier qu’il leur rende ce qu’il avait pris.
Il leur ordonna de lui indiquer où vivaient les Nymphes et les Gorgones, promettant de leur rendre l’oeil et la dent une fois qu’il aurait la réponse. Les Grées l’informèrent de la route à prendre, mais Persée préféra jeter l’oeil pour qu’elles ne préviennent pas les Gorgones de son arrivée.
Persée se rendit tout d’abord chez les Nymphes qui, contrairement aux affreuses Grées, étaient jeunes et charmantes.
Persée et les nymphes du Styx
de Burne-Jones
Elles offrirent au jeune homme le casque d’Hadès, le dieu des Enfers, qui rend invisible celui qui le porte.
Elles lui donnèrent également une paire de sandales ailées et une besace pour y mettre la tête de Méduse.
Enfin, elles lui précisèrent où vivaient les Gorgones.
Persée, fort de tous les objets qui lui avaient été offerts, se remit en route. Il vola jusqu’à l’Océan. En arrivant chez les Gorgones, il les trouva endormies.
Pour éviter de regarder Méduse et d’être pétrifié par son regard, il avança guidé par ce qu’il voyait dans le miroir de son bouclier.
A l’aide de la faucille d’Hermès, il trancha la tête de Méduse.
Tête tranchée de Méduse, détail d'un tableau de Rubens, 1618
Du cou tranché de Méduse, jaillirent aussitôt le géant Chrysaor et Pégase , le cheval ailé.
La naissance de Pégase et Chrysaor par Edward_Burne-Jones, 1876-1885
Persée jetait la tête tranchée dans son sac quand les deux soeurs se réveillèrent, furieuses. Grâce à son casque d’invisibilité, il put s’enfuir sans être poursuivi.
Il vola longtemps pour revenir à Sériphos. En passant au dessus de la Lybie, un peu de sang de Méduse coula: en tombant au sol il se transforma en serpents venimeux.
Quand Persée arriva au dessus de l’Ethiopie, il aperçut au loin une femme appuyée à un rocher. Il crut d’abord à une splendide statue de marbre, tellement elle était immobile. Mais séduit par cette vision, il s’approcha et découvrit une jeune fille nue, en larmes, attachée à un roc battu par les flots.
Andromède de Gustave Doré
Si ses cheveux n’avaient pas été agités par le vent et si des larmes n’inondaient pas son visage, Persée l’aurait confondue avec l’oeuvre d’un sculpteur.
Surpris de la situation dans laquelle il voyait la jeune fille, curieux de connaître son histoire, il se posa à ses côtés.
“Apprenez-moi belle enfant votre nom ainsi que celui de ce pays. Et instruisez-moi des circonstances qui vous enchaînent ici, vous qui semblez plus faite pour les liens de l’amour que pour ces lourdes chaînes qui vous meurtrissent les chairs.”
La jeune fille n’osait bouger ni répondre, honteuse d’être nue devant cet étranger. Mais comme il la pressait de questions et qu’elle ne voulait pas qu’il se méprenne sur les causes de son enchaînement, elle finit par lui répondre d’une voix douce entrecoupée de sanglots. “Je me nomme Andromède et ce pays que vous voyez est le royaume de Céphée, mon père.
— Comment une jeune fille de naissance royale peut-elle être ainsi traitée ? Quelle faute avez-vous donc commise ?
— Ne croyez pas que je sois coupable. Ou alors seulement coupable d’être belle et de faire la fierté et l’orgueil de ma mère... Cassioppée, ma mère, reprit Andromède, a offensé les Néréides en prétendant que je leur étais supérieure en beauté. Les filles de Nérée ont demandé vengeance de cet affront à Poséidon".
Mosaïque de Néréide, musée du Bardo , Tunisie et Poséidon sur son char
"Pour châtier l’orgueil de ma mère, reprit la jeune fille, le maître des mers et des Océans a inondé le pays, détruisant toutes les récoltes, noyant hommes et bêtes. Puis il a envoyé un monstre marin pour saccager le royaume.
— Et pourquoi vous vois-je ici enchaînée ?
Andromède et les Néréides,
par Chassériau
— Céphée, mon père, a interrogé l’oracle d’Ammon: seul mon sang pourra apaiser les Dieux. Ils exigent que je sois livrée en pâture au monstre. Céphée a dû obéir aux Dieux et à la colère du peuple, et me voilà, tremblante, attendant une mort atroce...”
Persée avait écouté attentivement Andromède et il sentait l’amour lui brûler le sang.
Ils auraient continué à converser ainsi si un hurlement n’avait pas retenti sur le rivage: le monstre marin envoyé par Poséidon venait de surgir des profondeurs de l’Océan.
La mer s’était mise à bouillonner et un être hideux en avait jailli. Sa peau était une épaisse cuirasse couverte d’écailles. De sa gueule armée de deux rangées de dents dégoulinait une bave pestilentielle.
Le monstre, détail de "Persée et Andromède" de Véronèse, 1576
En voyant la bête surgir aux pieds de leur fille, Céphée et Cassioppée n’avaient pu s’empêcher de hurler de terreur. Impuissants, en larmes, ils ne pouvaient que gémir inutilement.
Persée délivrant Andromède, d'après Coypel, 1726
Persée se tourna vers les parents éplorés: “Vous aurez bien le temps de verser vos larmes, mais nous n’avons qu’un instant pour sauver Andromède. Moi, Persée, fils de Jupiter et de Danaé, Persée vainqueur de la Gorgone Méduse, je veux, si je la sauve, obtenir la main de votre fille.”
Céphée et Cassioppée ne pouvaient guère refuser. “Combats le monstre et sauve notre enfant! Pour prix de ta bravoure, nous te donnerons notre fille en mariage et notre royaume pour dot, nous en faisons le serment! promit le roi. Mais je t’en conjure, ne perds pas un instant!”
Déjà la bête déchirait les flots, se précipitant pour déchiqueter la vierge enchaînée au rocher. Impuissante, terrifiée par la mort atroce qui fonçait sur elle, Andromède tentait désespérément de fuir. Mais ses liens étaient fermes et elle ne faisait que se blesser les poignets en vain. Il n’y avait point de salut possible. Sur la berge, les parents se tordaient les mains de douleur. Chacun retenait son souffle, sur le point d’assister à la mort inéluctable de la jeune fille.
Sans perdre un instant, Persée, de ses sandales ailées, fendit l’air. Il se plaça au-dessus de la bête. Son ombre, projetée sur la surface agitée de la mer, glissait devant le monstre qui se jeta dessus, crocs en avant, pour la dévorer.
Profitant de ce que l’animal découvrait son dos, le fils de Jupiter fondit sur lui et plongea tout entier son glaive entre les écailles. Le monstre poussa un cri effroyable, plongea dans un grand tourbillon et bondit de nouveau aussitôt.
Persée et Andromède de Gustave Moreau, 1870
Persée, agile, esquivait les crocs acérés grâce à ses ailes légères. Il piquait l’animal dans les flancs, lui infligeait de cruelles blessures avant de remonter dans les airs à l’abri de sa gueule mortelle et de sa queue qui cinglait rageusement la mer. Des entailles profondes provoquées par les coups de Persée s’écoulaient des flots de sang bouillonnant qui rougissaient la surface des eaux.
La bête faiblissait, exténuée par ce combat contre Persée inaccessible. Elle plongea subitement pour échapper à la pointe de l’épée du héros. Une trombe d’eau atteignit alors le jeune homme qui chancela: ses ailes s’alourdirent, il ne put plus voler pour harceler le monstre tout en esquivant ses meurtrières mâchoires.
Persée prit appui sur un rocher, solidement agrippé d’une main pendant que de l’autre il maintenait fermement son glaive, prêt à éventrer la bête quand elle surgirait de nouveau des flots. Le monstre remonta à la surface en bondissant des eaux vers le rocher où se trouvait son adversaire et expira sur le fer dressé de Persée. Elle s’enfonça définitivement dans l’onde en poussant un râle qui fit trembler la terre.
Persée délivre Andromède de Carle Van Loo, vers 1735-1740
Une immense clameur s’éleva alors de la rive: Andromède était sauvée et le pays aussi. Le monstre marin n’accomplirait plus sa sanglante besogne.
Persée délivra Andromède de ses liens. Le roi et la reine se précipitèrent pour remercier dignement le héros en confirmant leur promesse: la main de la princesse et le trône d’Ethiopie lui étaient acquis.
La délivrance d'Andromède de Pierre Mignard, 1679