Niobé est l’orgueilleuse reine de Phrygie, épouse d’Amphion et mère de sept garçons et sept filles. Avec son mari, elle règne sur Thèbes.
Un jour, la fille du devin Tirésias, parcourut les rues de Thèbes en criant: «Thébaines, allez offrir des sacrifices à la déesse Latone et à ses deux enfants, attachez vos cheveux avec des branches de laurier, la déesse Latone vous l’ordonne!»
Les Thébaines obéirent, s’attachèrent les cheveux et récitèrent des prières en faisant brûler de l’encens sur les autels pour Latone.
A ce moment là, la reine de Thèbes, Niobé, s’avance entourée d’un grand cortège. Elle est vêtue d’une robe pourpre tissée de fils d’or, très belle, les cheveux volant au vent. Elle regarde fièrement autour d’elle et dit:
« Quelle folie! Vous préférez faire des offrandes à des dieux invisibles! Il vaut mieux faire des offrandes à des dieux que vous voyez! Pourquoi Latone a-t-elle des autels et pas moi? Moi qui qui suis la fille de Tantale, la fille du seul mortel qui a été invité à manger avec les Dieux! Moi qui suis la petite fille du titan Atlas qui porte le ciel sur ses épaules! J’ai un royaume immense, je règne sur Thèbes et la Prygie. Mes richesses sont innombrables. Je suis d’une grande beauté. Mais la plus belle de mes richesses, ce sont mes enfants: sept filles et sept fils. Voyez d’où vient ma puissance et mon orgueil!
Et vous me préférez Latone? Cette déesse qui a été chassée par Héra, cette déesse qui ne trouvait pas de refuge pour mettre au monde ses enfants ? Souvenez-vous de l’histoire de Latone! Elle a été la maîtresse de Zeus et elle est tombée enceinte de jumeaux. Héra, jalouse, l’a chassée et a interdit à la Terre de l’accueillir. Elle a décrété que les enfants ne devaient pas naître dans un endroit où brille le soleil! Chassée de partout, Latone a trouvé refuge sur Délos, une île flottant entre la terre et la mer pour accoucher de ses jumeaux, Artémis et Apollon. Et c’est cette déesse chassée et malheureuse que vous préférez? Moi je suis heureuse et puissante! J’ai eu quatorze enfants! Je suis si puissante, si riche, si chanceuse que le malheur ne peut pas me toucher! Même si quelques-uns de mes enfants meurent, il m’en restera. Pas Latone car elle n’en a que deux!
Abandonnez les autels de Latone, enlevez les couronnes de vos têtes! Ne priez plus cette déesse!»
Les Thébaines obéissent.
Scandalisée, Latone va voir ses enfants Artémis et Apollon et leur dit: «Mes enfants! Niobé m’a insultée! Elle ne respecte pas les dieux. A cause d’elle, mes autels sont vides et je n’ai plus de sacrifices. Elle vous a insultés aussi en disant que ses enfants avaient plus de valeur que vous! Il faut la châtier!
— Mère, il faut se venger, la coupa Apollon. Ne perdons pas de temps à discuter!
— Oui mère, il ne faut pas tarder, vengeons-nous», ajouta Artémis.
Les deux dieux s’envolent et descendent vers Thèbes. Cachés dans un nuage, ils observent la ville. Dans la campagne, ils aperçoivent des fils de Niobé qui chevauchent leurs chevaux. Les dieux bandent leur arc et tirent sur les sept frères. Le premier fils reçoit une flèche dans la poitrine et s’effondre, mort. Le second s’enfuit; son cheval galope mais la flèche le rattrape et traverse son crâne, sortant par la bouche. Les deux frères suivant n’ont rien vu: ils s’entrainent à la lutte quand une flèche les transperce en même temps. Le cinquième frère les voit tomber et accourt pour les prendre dans ses bras. A ce moment là, Apollon lui transperce le coeur et il s’effondre mort sur ses frères. Le sixième frère reçoit plusieurs flèches dans la jambe et la gorge et il meurt dans un flot de sang. Le dernier fils de Niobé lève ses bras au ciel pour une prière inutile: «Ô dieux, je vous en supplie, épargnez-moi!» Apollon a pitié, mais c’est trop tard, la flèche est partie et le dernier frère meurt lui aussi.
La nouvelle du massacre se répand. Désespéré, fou de chagrin et de douleur, le roi Amphion se plonge un poignard dans la poitrine. Niobé est scandalisée: «Comment! Les dieux ont osé commettre ce massacre! Ils ont osé tuer mes enfants!» Elle s’approche des cadavres de ses fils, les serre dans ses bras et les embrasse en pleurant. Elle lève ses bras au ciel et s’écrie: «Ô cruelle Latone, tu peux être heureuse de ta vengeance et de ma souffrance! Tu m’as tuée sept fois! Tu as un coeur impitoyable! Mais même dans mon malheur je suis encore plus riche que toi . Tu as tué mes sept fils mais j’ai encore mes filles! J’ai encore plus d’enfants que toi!»
Tous les gens sont horrifiés par les paroles de Niobé. Même dans le malheur, Niobé reste orgueilleuse et insulte Latone. Les filles de la reine sont debout, en larmes, devant leurs frères morts. Plus personne ne parle, sauf Niobé qui continue à provoquer Latone.
Soudain, on entend le bruit d’un arc. Une pluie de flèches s’abat sur les princesses. L’une tombe sur son frère, une flèche dans le coeur. L’autre s’effondre en cherchant à fuir. Celle-ci meurt sur le corps de sa soeur, celle-là s’accroche à sa mère, une flèche dans la gorge. Il y a déjà six victimes. Une seule fille est vivante, cachée derrière sa mère. Niobé supplie Latone: «Laisse m’en une! Je ne te demande que la plus jeune! C’est la seule enfant qui me reste! Ne la tue pas!» La plus jeune fille meurt pendant que sa mère prie en vain.
Niobé la fière, Niobé l’orgueilleuse a tout perdu: son mari, ses fils, ses filles. Il ne lui reste plus rien. Ecrasée par tant de malheur, elle reste immobile entourée de cadavres. Ses longs cheveux ne bougent plus. Sa peu devient blanche et dure. Elle ne peut plus faire un geste, elle ne peut plus avancer. Son corps se pétrifie. Seules ses larmes coulent. Un violent tourbillon l’emporte au sommet d’une montagne où elle se fond en eau.
Les Thébains effrayés par toute cette violence se dépêchent d’offrir des sacrifices pour calmer la colère de Latone.