Je voudrais vous conter l'histoire d'une vieille pour vous réjouir.
Elle avait deux vaches, ai-je lu. Un jour, ces vaches s'échappèrent ; le prévôtreprésentant du seigneur pour la justice, les ayant trouvées, les fait mener dans sa maison.
Quand la bonne femme l'apprend, elle s'en va sans plus attendre pour le prierlui demander de les lui rendre. Mais ses prières restent vainesinutiles, sans résultat, car le prévôt félontraître, malhonnête se moque de ce qu'elle peut raconter.
« Par ma foi, dit-il, belle vieille, payez-moi d'abord votre écotimpôt de beaux deniers moisis en pot sous cachés chez vous. »
La bonne femme s'en retourne, triste et marrie, la tête basse. Rencontrant Hersant sa voisine, elle lui confieraconte ses ennuisproblèmes. Hersant lui nommedonne le nom de un chevalier : il faut qu'elle aille le trouver, qu'elle lui parle poliment, qu'elle soit raisonnable et sage ; si elle lui graisse la paume, elle sera quitte et pourra ravoirreprendre ses vaches sans amende.
La vieille n'entend pas malicene comprend pas; elle prend un morceau de lard, va tout droit chez le chevalier. Il était devant sa maison et tenait les mains sur ses reins. La vieille arrive par-derrière, de son lard lui frotte la paumemain.
Quand il sent sa paume graissée, il jette les yeux sur la femme : « Bonne vieille, que fais-tu là ?
— Pour Dieu, sire, pardonnez-moi. On m'a dit d'aller vous trouver afin de vous graisser la paume : ainsi je pourrais être quitte et récupérer mes deux vaches.
— Celle qui t'a dit de le faire entendait la chose autrementne voulait pas dire ça ; cependant tu n'y perdras rien. Je te ferai rendre tes vaches et tu auras l’herbe d’un pré. »
L'histoire, que j'ai racontée vise les riches haut placés qui sont menteurs et déloyauxtraitres. Tout ce qu'ils savent, ce qu'ils disent, ils le vendent au plus offrant. Ils se moquent de la justice ; rapinervoler est leur seul souci. Au pauvre on fait droit mais s'il donne.