LA FEMME-LOUVE

Conte catalan


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la Cerdagne

Il y avait une fois, dans la province de Cerdagne, un fermier aussi riche que malfaisantméchant, cruel : il maltraitait toujours ses domestiques , y compris les femmes. Il terrorisait et faisait fouetter les enfants. Tout le jour, il parcourait son domaine à cheval, insultant et frappant ceux qui avaient le malheur d’être à son servicede travailler pour lui. Ils s’affairaients'occupaient, travaillaient pourtant et travaillaient avec zèlesérieux : le maître trouvait toujours à redirecritiquait toujours et cravachait sans remords bergers, vachers et muletiers.

Un jour, un vieux pâtre berger, qui avait passé sa vie à conduireamener les troupeaux au pacagedans les prairies et à les ramener au bercailmaison, bergerie, perdit une brebis.
Il la chercha partout, appelant, criant, imitant son bêlement pour l'attirer. Rien n'y fitCela ne marcha pas.. Le soir tombait. Il devait rentrer. Il était en retard.

Le maître l’attendait au portail. Le pâtre, épuisé par ses recherches vainesinutiles, sans résultat, ne prit même pas la peine de mentir :
— Une brebis s'est perdue et je n’ai pas pu la retrouver.
— Dis plutôt que tu t'es prélasséreposé, fainéant ! rugithurla le maître en se précipitant sur lui pour le rouerfrapper de coups de trique. Si tu l'avais cherchée, tu l'aurais trouvée !

Il le frappa avec une telle violence qu'il le laissa à terre comme un amas de guenilles. Lorsqu’il reprit conscienceréveilla, le berger repartit dans la nuit à la recherche de la brebis sans prendre le temps de rentrer dîner chez lui.

Toute la nuit il chercha, gravitgrimpa les coteauxcollines, dévala les pentes, scrutaregarda attentivement le fond des vallons. Dans l’aube blême, il se vit cernéentouré par une forêt d'une noirceur de suie. Où se trouvait-il ? Il ne savait plus.
Un claquement soudain de crocs le fit bondir. Sa fatigue s’effaçadisparut devant la terreurpeur terrible, il s'avança le bâton haut levé, et découvrit un loup occupé à dévorermanger la brebis qu’il cherchait.

Le souvenir de la correctionla punition, les coups que lui avait administréedonnée le maître l’emplit de rageforte colère. Rassemblant ses forces, il se jeta à la gorge de l’animal pour l'étrangler.
"Ne me tue pas ! gémit la bête. Je suis loup pour cette brebis comme ton maître est loup pour toi. En me tuant, tu deviendrais à ton tour loup pour moi."
Ces paroles emplies de sagesse firent sur le berger une profonde impression. Il arrêta le coup qu'il s’apprêtait àallait donner. “Un loup, pensa-t-il, aurait donc plus de jugementintelligence que les hommes?"
— Ce n'est pas avec mon maître, répondit-il à l'animal, que je pourrais discuter ainsi ! Aujourd'hui il m’a frappé, mais demain il me tuera !
— Je vais te donner un talismanobjet magique qui protège, déclara le loup, qui te permettra de te venger. Voici trois poils de mon pelagemes poils, ma fourrure : l'un de ma queue, le deuxième de mon ventre, le troisième de ma tête. Place-les l'un sur tes reins, l’autre sur ton ventre, le dernier sur ta tête, et prononce ces paroles magiques :


Race de chien,
Race soumise !
Change-moi en loup
Avec force de loup.


- Et pour reprendre forme humaine ? interrogea le berger.
- Il te suffira d'arracher les trois poils. Seul le feu pourrait anéantirenlever, détruire, supprimer, effacer le pouvoir que je te donne aujourd’hui.
Le loup disparut dans les fourrésbuissons tandis que le berger reprenait lentement ses esprits.