Les paroles rapportées dans le récit ou le discours

Introduction



   
Sophie Mercurio, Websourd media       Extrait de "Sourds en scène", émission Signes de la Radio Télévision Suisse



     

L'île au trésor de Stevenson     "6 questions à F.Hollande",Websourd, 18/04/2012   "Loi de 2005, les sourds sont déçus"




Jean de Florette de Marcel Pagnol
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Jean de Florette

PENDANT son service militaire à Antibes, Ugolin avait eu pour voisin de chambrée un garçon fort sympathique, Attilio Tornabua, qui lui avait dit :
« Moi, je suis paysan comme toi. Je fais des fleurs. »

Cette idée lui avait paru si extravagante qu’il avait d’abord cru à une plaisanterie. Mais Attilio l’avait invité à dîner un dimanche chez son père, et Ugolin avait été ébloui.

Aristotèle Tornabua raconta à table qu’il était arrivé du Piémont trente ans plus tôt, avec un pain et quelques oignons dans sa musette, et une paire de souliers accrochés à son épaule, pour les «économiser». Et maintenant, il avait une grande ferme, aussi jolie qu’une maison de la ville, avec des rideaux bleus à toutes les fenêtres, et une porte vernie ; une salle à manger avec un buffet sculpté, et des chaises dont le siège élastique était fait de fibres de rotin. Mme Aristotèle portait des cols et des manchettes de dentelle, un collier en or, des pendants d’oreilles étincelants, et la bonne était aussi jolie qu’une dame. Attilio avait deux bicyclettes, deux fusils de chasse, un bateau pour aller à la pêche, et à table, on avait mangé un gigot de mouton entier, en buvant du vin cacheté ! Et tout ça, en cultivant des œillets !

C'est pourquoi chaque soir, à cinq heures, quand ils avaient « quartier libre », Ugolin allait avec son camarade travailler dans les champs d’œillets, pour apprendre, et le jour de son congé définitif, il avait rapporté en cachette aux Bastides une trentaine de boutures. Sans rien en dire au Papet, il les avait plantées derrière Massacan, avec tout le soin d’un vrai « fleuriste ».

Il les avait ensuite entourées d‘une haie de romarins, pour les abriter d’un coup de mistral possible, et surtout les dérober à la vue de quelque chasseur égaré, qui aurait pu en parler au village.

Il les couvrait chaque soir avec de vieilles couvertures tendues sur des perches horizontales, sous une épaisse couche d’herbes sèches, et chaque matin, il avait tiré de son puits une dizaine de seaux d’eau pour les arroser une à une avec un véritable amour.

*

Dès qu’ils eurent contourné la bastide, Ugolin montra la petite plantation d’un geste triomphal.

Le Papet stupéfait regarda les fleurs resplendissantes, puis se tourna vers son neveu, regarda de nouveau les fleurs, et dit enfin:
« C’est à ça que tu t’amuses ? »

Alors, Ugolin parla longuement des cultures d’Attilio et de sa belle maison... Le Papet grognait, haussait les épaules, et conclut:
« Tu as beau dire, c’est des paysans de fantaisie.»

Mais Ugolin cueillit une trentaine d’œillets épanouis, en lia le bouquet avec un brin de raphia, le plia dans un journal, et força le Papet à le conduire à Aubagne avec le boghey.

Là, il entra résolument dans un beau magasin de fleuriste, déchira le journal, posa le bouquet sur le comptoir, et dit:
« Qu’est—ce que vous m’en donnez ? »
Le patron, qui avait une barbiche blanche, et tout chauve avec des lorgnons, prit en main les fleurs, les examina, et dit :
« Ça, c’est du beau !
— C’est du Malmaison, dit Ugolin.
— Belles queues, reprit le fleuriste.
— Qu’est-ce que vous m’en donnez ?
— Si vous étiez venu en février, je serais bien allé jusqu’à cinquante sous. .. Mais en ce moment, c'est la fin de la saison. .. »

Il examina de nouveau les œillets, et les flaira.
« Ça vaut quand même vingt sous. D’accord ?
— D’accord », dit Ugolin. Et il fit un clin d’œil au Papet pendant que le fleuriste comptait les fleurs.
Le vieillard pensait :
« Vingt sous, c’est le prix de deux kilos de pommes de terre, ou d’un litre de vin... Pour un bouquet comme ça, c’est quand même intéressant... »
Mais le fleuriste, souriant, dit à Ugolin :
« Vous avez dix francs ?
— Oui », dit Ugolin, qui fouilla ses poches. Le Papet n’y comprit plus rien. Pourquoi dix francs ?
Alors, le fleuriste prit la pièce de dix francs, et tendit en échange un billet de cinquante francs, qu’Ugolin mit dans sa poche.

*

Sur le chemin du retour, que le mulet connaissait mieux que l’aller, le Papet se taisait, tenant les rênes molles. Ugolin dit :
« Je te fais remarquer que : premièrement, ces boutures, Attilio les avait jetées, parce qu’elles étaient un peu “passides”. Deuxièmement : j’ai pas pu les planter avant ma libération, ce qui fait que je les ai mises en terre un bon mois trop tard. Troisièmement, j’ai pas eu de migon, le fumier de mouton, que c’est la gourmandise des œillets. Quatrièmement. ..
— Quatrièmement, dit le Papet, il t’a donné 40 francs, et ça prouve que tu avais raison, et que c’est ça qu’il faut faire. Puisqu’il y a tant de gens qui sont assez couillons pour acheter des fleurs plus cher que le bisteck, il faut faire des fleurs. Pourquoi tu ne m’en as pas parlé plus tôt ?
— Parce que je voulais d’abord essayer... Savoir si la terre d’ici était bonne... Et puis je voulais te les faire voir en fleur, pour que tu comprennes...
— C’est pas les fleurs, qui m’ont fait comprendre : c’est le fleuriste. Hue, carogne ! Mais ça doit pas être facile. Il doit y avoir des trucs.
— Bien sûr. Mais je les connais. Attilio m’a tout fait voir, et j’ai travaillé avec lui presque tous les dimanches, et souvent le soir. J’ai la liste de tous les remèdes pour les maladies des fleurs, et Attilio me donnera les boutures.
— Combien il faut d’argent pour commencer en grand ? »
Ugolin hésita, parpelégea, haussa les épaules et finit pas dire :
« Quinze mille francs. »

Le Papet repoussa son feutre en arrière, se gratta le front, secoua la tête, fouetta le mulet qui s’endormait, et finit par dire :
« Je te les donnerai.
— Papet, tu es trop brave.

Jean de Florette de Marcel Pagnol


Né d'un homme et d'une femme

Aujourd’hui maman m’a appelé monstre. Tu es un monstre elle a dit. J’ai vu la colère dans ses yeux. Je me demande qu’est-ce que c’est qu’un monstre.

Aujourd’hui de l’eau est tombée de là-haut. Elle est tombée partout j’ai vu. Je voyais la terre dans la petite fenêtre. La terre buvait l’eau elle était comme une bouche qui a très soif. Et puis elle a trop bu d’eau et elle a rendu du sale. Je n’ai pas aimé.

Maman est jolie je sais. Ici dans l’endroit où je dors avec tout autour les murs qui font froid j’ai un papier. Il était pour être mangé par le feu quand il est enfermé dans la chaudière. Il y a dessus FILMS et VEDETTES. Il y a des images avec des figures d’autres mamans. Papa dit qu’elles sont jolies. Une fois il l’a dit.

Et il a dit maman aussi. Elle si jolie et moi quelqu’un de comme il faut. Et toi regarde-toi il a dit et il avait sa figure laide de quand il va battre. J’ai attrapé son bras et j’ai dit tais-toi papa. Il a tiré son bras et puis il est allé loin où je ne pouvais pas le toucher.

Né d'un homme et d'une femme de Richard Matheson