Vendredi ou la vie sauvage de M.Tournier




Chapitre 3: premiers jours sur l'île

Réveillé par les premiers rayons du soleil levant, Robinson commença à redescendre vers le rivage le bord de mer d’où il était parti la veille le jour d'avant. Il sautait de rocher en rocher et de tronc en tronc, de talus en talus et de souche en souche, et il y trouvait un certain plaisir parce qu’il se sentait frais et dispos en forme après une bonne nuit de sommeil. En somme sa situation était loin d’être n'était pas désespérée. Certes, cette île était apparemment déserte. Mais cela ne valait-il pas mieux que si elle avait été peuplée de cannibales anthropophages (humains qui
mangent d'autres humains)
? En outre de plus elle paraissait assez accueillante avec sa belle plage au nord, des prairies très humides et sans doute marécageuses boueuses à l’est, sa grande forêt à l’ouest, et, en son centre, ce massif rocheux que perçait une grotte mystérieuse et qui offrait avait un point de vue magnifique sur tout l’horizon.

Il en était là de ses réflexions quand il aperçut au milieu de la piste, qu’il avait suivie la veille, le cadavre du bouc assommé. Déjà une demi-douzaine de vautours au cou déplumé et au bec crochu se disputaient la charogne le cadavre, le corps mort pourrissant. Robinson les dispersa écarta, éloigna en faisant tournoyer son bâton au-dessus de sa tête, et les gros oiseaux s’envolèrent lourdement l’un après l’autre en courant sur leurs pattes torses tordues pour décoller. Puis il chargea prit, porta sur ses épaules ce qui restait du bouc, et poursuivit plus lentement sa marche vers la plage.
Là, il découpa avec son couteau un quartier un morceau de viande et le fit rôtir cuire suspendu à trois bâtons noués attachés en trépied au-dessus d’un feu de bois. La flamme pétillante le réconforta lui fit du bien davantage que la viande coriace dure et qui sentait le bouc. Il décida d’entretenir d'alimenter, de faire vivre toujours ce feu pour économiser son briquet à silex et pour attirer l’attention de l’équipage d’un navire qui croiserait naviguerait, passerait éventuellement au large de l’île. Il est vrai que rien ne pouvait mieux alerter prévenir des matelots marins de passage que l’épave de La Virginie toujours plantée sur son récif ; d’autant plus qu’elle pouvait donner l’espoir d’un riche butin trésor à ceux qui s’en empareraient.

Ces armes, ces outils, ces provisions que contenait la cale partie inférieure du voilier du navire, Robinson pensait bien qu’il faudrait qu’il se décide à les sauver avant qu’une nouvelle tempête ne les emporte. Mais il espérait toujours n’en avoir pas besoin, parce que – pensait-il – un navire ne tarderait pas à venir allait venir le chercher.
Aussi consacrait-il tous ses efforts à installer des signaux sur la plage et sur la falaise. À côté du feu toujours allumé sur la grève la plage, il entassa des fagots tas de bois de branchages et une quantité de varech algues séchées grâce auxquels il provoquerait des torrents de fumée si une voile pointait à l’horizon. Ensuite, il eut l’idée d’un mât planté dans le sable, au sommet duquel était posée une perche un long bout de bois. L’un des bouts de cette perche touchait au sol. En cas d’alerte, Robinson y fixerait attacherait un fagot paquet de boisenflammé, et il le ferait monter haut dans le ciel en tirant avec une liane sur l’autre bout de la perche. Plus tard, il trouva mieux encore : sur la falaise se dressait un grand arbre mort, un eucalyptus, dont le tronc était creux. Il bourra remplit le tronc de brindilles et de bûchettes petits morceaux de bois qui – enflammées – transformeraient vite tout l’arbre en une immense torche visible à des kilomètres.

Il se nourrissait au hasard de coquillages, de racines de fougères, de noix de coco, de baies petits fruits, d’oeufs d’oiseaux et de tortues. Le troisième jour, il jeta loin de lui la carcasse le squelette, les os et
les restes de viande
du bouc qui commençait à sentir. Mais il regretta bientôt ce geste, car les vautours qui s’en régalèrent ne cessèrent plus n'arrêtèrent pas désormais de le suivre et de l’épier observer, surveiller dans l’attente de nouvelles aubaines. Parfois, exaspéré épuisé, énervé, il les bombardait avec des pierres et des bûches. Alors les sinistres oiseaux s’écartaient paresseusement, mais c’était pour revenir aussitôt.


Chapitre 4